Quand Carey Price s’est présenté sur la patinoire pour recevoir la coupe Molson remise au joueur du mois chez le Canadien, une coupe qu’on devrait simplement rebaptiser coupe Carey Price tant il la gagne souvent, les fans du Tricolore avaient toutes les raisons au monde d’être inquiets.
En voici quelques-unes…
La première : c’est avec des souliers vernis aux pieds et non en patins que Price s’est rendu au centre de la patinoire pour mettre la main sur son trophée.
La deuxième : Malgré sa fiche parfaite de trois victoires, comment diable Mike Condon allait-il réagir devant la pression bien plus accablante de remplacer un Price sur la touche pour une semaine en raison de la blessure à la jambe droite subie jeudi dernier à Edmonton plutôt qu’assis au bout du banc dans le cadre d’une rare soirée de congé ?
La troisième et non la moindre : déjà que le premier match à la maison au retour d’un voyage de quelques rencontres sont toujours difficiles, le Canadien, amputé de son meilleur joueur, se retrouvait devant les Jets de Winnipeg. Un club gros, rapide, solide, un club taillé pour donner des ennuis au Tricolore, même avec Carey Price devant la cage.
«C’est sûr que j’étais inquiet», a d’ailleurs convenu Michel Therrien au début de son point de presse.
Mais voilà ! L’inquiétude normale qui titillait l’entraîneur-chef du Canadien et torturait les partisans qui n’anticipaient rien de moins qu’une catastrophe s’est vite estompée.
Pourquoi ? Parce que Mike Condom a fait son travail. Il l’a même fait avec brio en repoussant 18 des 19 tirs des Jets. Des 18 arrêts effectués, quelques-uns nous ont permis de croire que c’était Carey Price qui se cachait sous son équipement. Non ! Je ne suis pas en train d’écrire que Condon est à la hauteur du meilleur gardien de la planète hockey. Mais au moins à deux reprises, peut-être même trois fois, Condon a dû sortir la jambière gauche ou la mitaine pour effectuer des arrêts difficiles à la manière de Price.
«Quand tu regardes travailler le meilleur gardien de la Ligue, tu peux t’inspirer que certains des mouvements qu’il effectue», a reconnu Condon après la rencontre. Une rencontre qui lui a permis de signer une quatrième victoire consécutive en lever de rideau de sa première saison dans la LNH.
Du WesBanco Arena au Centre Bell
Après ses quatre victoires, Mike Condon n’a accordé que six petits buts. Un maigre total qui lui permet de trôner devant tous les gardiens de la LNH avec une moyenne de 1,51 but alloué par parties et une efficacité de 94,4 %.
Ce n’est pas rien.
C’est même renversant quand on considère que Mike Condon évoluait dans la Ligue de la Côte Est avec les Nailers de Wheeling il y a deux ans à peine. Qu’il jouait au WesBanco Arena devant des foules de 1500 amateurs, loin, très loin, de la Ligue nationale de hockey, du Centre Bell, des partisans féroces du Tricolore et de la pression étouffante de faire gagner le Canadien de Montréal. Surtout en l’absence d’un Carey Price blessé.
«Il faut que j’évite le plus possible de penser à ce monde de différence entre les deux réalités, car cela pourrait me donner le vertige», a ajouté bien humblement le gardien tout en insistant sur le fait qu’il ne devait pas non plus oublier d’où il venait et du chemin difficile et parsemé d’embûches qu’il a parcouru pour occuper le rôle de remplaçant de Carey Price.
On savait Mike Condon solide. Solide autant au chapitre de la confiance que de sa technique qu’il maximise avec sa grande taille et ses déplacements efficaces. Alors qu’il aurait pu s’effondrer, Condon m’a semblé meilleur encore dimanche avec Dustin Tokarski et non Carey Price comme filet de sureté que vendredi dernier à Calgary. Il est clair que le gardien savait depuis plus longtemps que les fans du Tricolore que Price était blessé et qu’il devrait le remplacer pour une, deux, trois, voire quatre parties si Michel Therrien décide de le garder devant la cage pour la durée de l’absence de son gardien étoile.
«Il m’a fallu un peu de temps pour trouver mon aise devant le but à Calgary. Je jonglais avec les rondelles. Je nageais aussi devant mon but. Ce soir, c’était plus simple. Et bien qu’il soit difficile de venir en relève à Carey, c’est plus facile de se préparer quand tu sais ce qui t’attend. Cela dit, j’espère qu’il sera de retour en forme le plus vite possible», a plaidé Condon qui a trois autres défis potentiels qui l’attendent alors que les Sénateurs, les Islanders et les Bruins se succéderont au Centre Bell mardi, jeudi et samedi.
Si Condon garde les buts comme il l’a fait dimanche, comme il le fait depuis le début de la saison, l’état-major du Tricolore devrait prolonger sa séquence plutôt que de prendre un pari risqué sur Dustin Tokarski qui a été rappelé par mesure d’urgence. Et qui ne devrait jouer qu’en mesure d’urgence aussi.
On verra.
Le Canadien a cloué les Jets
S’il est clair que Condon était à l’aise devant son filet dimanche soir, il est primordial d’insister sur le fait que ses coéquipiers lui ont grandement facilité le travail. Car c’est alors qu’il profitait d’une avance de 4-0 que Condon a vraiment eu à s’imposer.
De fait, lors de ses quatre sorties devant la cage du Tricolore, Mike Condon a vu ses coéquipiers enfiler un total de 21 buts pour lui offrir des coussins très confortables.
Comme ce fut le cas vendredi à Calgary, où le Canadien a profité des faiblesses et/ou largesses du gardien Joni Ortio pour se sauver avec la victoire, le Tricolore a profité du manque de vigueur de Michael Hutchinson pour faire mal aux Jets. Hutchinson a concédé quatre buts sur les neuf tirs qu’il a affrontés avant d’être chassé du match par son coach Paul Maurice.
Et comme le Canadien jouait beaucoup mieux que les Jets, qu’il patinait plus vite, qu’il était plus solide en défensive, plus incisif en attaque, les joueurs des Jets ont vite abandonné lorsqu’ils ont vu que le Canadien profitait à plein du fait qu’ils en étaient à un deuxième match en deux soirs et que leur gardien n’affichait pas le genre de tenue nécessaire pour les aider.
Pas question d’enlever quoi que ce soit au mérite du Canadien qui a marqué cinq buts dimanche dont un encore très spectaculaire offert par Paul «la comète» Byron qui a mystifié les Jets alors que le Canadien jouait à court d’un homme et un autre en avantage numérique de Lars Eller. Du Canadien qui a bénéficié une fois encore d’une sortie sans faille du trio de David Desharnais. Du Canadien qui a encore pu compter sur le travail aussi inlassable qu’efficace – il méritait une étoile hier soir, comme plusieurs soirs d’ailleurs – de Jeff Petry qui continue de bien faire paraître Marc Bergevin et faire bien mal paraître l’ancien état-major des Oilers d’Edmonton. Petry joue très bien. Son travail pour écouler les pénalités est sans reproche. C’est d’ailleurs lui qui a freiné une poussée des Jets en zone du Canadien pour mettre la table à l’échappée qui a permis à Paul Byron de marquer.
On dira ou écrira ce qu’on voudra sur la performance très ordinaire des Jets et celle plus ordinaire encore de leur gardien Hutchinson. Mais il faudra aussi dire ou écrire que les attaquants et défenseurs du Canadien ont su profiter de leurs occasions de marquer tout en maintenant une cadence difficile à égaler qui ont eu pour effet de clouer les Jets sur la piste au lieu de les laisser prendre leur envol.
Tout ça avec derrière eux un Mike Condon qui à défaut de pouvoir faire oublier Carey Price s’est assuré d’offrir une performance à son image.