mardi 21 mars 2017

Carey Price dans la ouate

http://www.rds.ca/hockey/canadiens/

Carey Price
Carey Price (Source d'image:Getty)

On s’attendait à beaucoup des deux duels Canadiens-Sénateurs. Les deux formations ne nous ont pas déçus, même si l’équipe de Guy Boucher a été incapable, dans le second match, de soutenir le rythme et la pression causés par l’enjeu important qu’était la première place dans la division Atlantique.
Durant ces deux rencontres au sommet, le Canadien a semblé s’être placé en mode séries. On a senti que pour une rare fois cette saison, il y avait un objectif sur lequel on ne pouvait se permettre la moindre défaillance. L’équipe était bien préparée, les joueurs très concentrés (même si les gros canons n’ont rien produit) et les fans montréalais plus excités que ceux d’Ottawa. À Kanata, ce sont les partisans du Tricolore qui ont fait le plus de bruit tandis qu’au Centre Bell, ils ont rarement besoin d’une excuse pour se manifester. On n’a qu’à leur dire que Carey Price prendra place devant le filet pour les entendre scander son nom.

Le seul facteur vraiment agaçant à la suite de ces deux affrontements aller-retour a justement impliqué Price. Ce fut plutôt irritant de voir Claude Julien hésiter aussi longuement avant de confirmer la présence de son meilleur joueur, dimanche soir. Julien avait pourtant déclaré qu’il s’agissait d’une fin de semaine importante. Il souhaitait deux victoires afin de pouvoir creuser un écart entre les deux équipes. Comme une double victoire était déjà difficile à imaginer, on avait du mal à croire que cela puisse être possible sans Price aux deux occasions.
Surtout avec la présence de Craig Anderson qui a causé toutes sortes d’ennuis au Canadien dans le passé. Guy Boucher, lui, n’a offert aucune opposition quand son gardien, âgé de 35 ans, lui a précisé qu’il désirait que les deux assignations soient les siennes.
Au fait, c’est quoi cette idée de dorloter et d’envelopper dans la ouate un gros gaillard de six pieds, trois pouces, 215 livres, fort comme un cheval, et qui, à 29 ans, est sans doute dans les meilleures dispositions de sa carrière?
Price, qui parle peu et qui semble accepter toutes les décisions le concernant avec une obéissance exemplaire, est-il toujours d’accord avec cette façon de procéder? Ne devrait-il pas mettre son pied à terre certains jours en insistant pour que les entraîneurs dérogent de leur plan? Son attitude placide tend à démontrer que l’horaire qu’on lui fixe fait assez bien son affaire.
Le dernier joueur de concession du Canadien avant lui, un certain numéro 33, aurait fait irruption dans le bureau de son entraîneur la semaine dernière en insistant pour participer aux deux matchs, quoiqu’il arrive. C’est drôle, mais il était rarement question de rayer Patrick Roy de la formation quand le Canadien disputait deux parties en deux soirs dans des situations critiques. On ne passait pas une saison complète à le ménager en prévision des séries. Cette stratégie ne l’a pas trop affecté si on considère que Roy détient les records pour le plus grand nombre de matchs disputés en séries (247) et pour le plus de victoires (151), cette dernière marque étant aussi inattaquable que les 11 coupes Stanley d’Henri Richard.
Julien et Stéphane Waite voulaient d’abord vérifier si Price connaîtrait une soirée occupée samedi avant de confirmer sa présence le lendemain. Or, quand un athlète fier et désireux de garder sa place parmi les meilleurs de sa profession, se voit offrir un défi à sa mesure, l’adrénaline lui sort habituellement par les oreilles. Ce n’est pas une grosse soirée de travail qui va lui faire ressentir de la fatigue. Sitôt le match terminé, il est déjà impatient de faire la différence 24 heures plus tard.
Depuis qu’il est là, Claude Julien a pris plusieurs décisions éclairées. Sa vaste expérience le met généralement à l’abri des décisions hasardeuses. Par contre, cette façon de faire avec Price dénote une prudence exagérée de sa part. Est-il le meilleur, oui ou non? Est-il celui qui fait toujours la différence dans les grands moments? Fallait-il à tout prix gagner ces deux matchs pour indiquer aux Sénateurs que si jamais on les affronte en séries, on ne tremblera pas devant eux? Pour toutes ces raisons, l’utilisation de Price n’aurait dû laisser aucun doute.
Le message le plus clair, on aurait pu le passer en annonçant dès vendredi que Price allait disputer les deux matchs. Ç’aurait été une manière de dire aux Sénateurs qu’on ne leur laissera pas un pouce de terrain.
Une façon aussi de leur rappeler que le Canadien occupe le premier rang depuis le début de la saison et que cette place-là, il faudra travailler fort pour la leur enlever.
Bien sûr, au sein du Canadien, on n’est pas aveugle au point de croire qu’on est vraiment meilleur que les Sénateurs, mais c’est important, dans la dernière étape de la saison, d’en donner l’impression.
Apprendre à gagner d'abord
On peut comprendre le raisonnement du propriétaire des Sénateurs, Eugene Melnyk, qui interdira systématiquement à son joueur de concession, Erik Karlsson, de participer aux Jeux olympiques si jamais la Ligue nationale n’est pas de l’aventure de Pyeongchang.
« Pourquoi lui donnerais-je le feu vert pour porter les couleurs de la Suède alors qu’il pourrait se blesser gravement en jouant avec une formation qui ne nous concerne pas et qui tenterait de battre le Canada de surcroît? Qu’est-ce que nous aurions à gagner dans une histoire pareille? » se demande-t-il, sans doute avec raison.
Melnyk n’a pas encore digéré ce qui s’est passé en 2006 quand son gardien numéro un, Dominik Hasek, s’est blessé aux Olympiques de Turin. Il n’a plus été en mesure de disputer un autre match avec les Sénateurs qui croyaient en leurs chances de gagner la coupe Stanley cette année-là. L’équipe, qui avait terminé bonne première dans l’Association Est et deuxième au classement général, avait été éliminée dès la seconde série en cinq parties contre les Sabres de Buffalo.
Par ailleurs, Melnyk a mérité le premier prix pour la déclaration la plus loufoque de la semaine en affirmant qu’il croyait si fermement en ses chances de gagner en 2006 que l’équipe avait même débattu des noms qui seraient gravés sur la coupe.
Une organisation sérieuse et crédible n’affiche jamais un excès de confiance aussi éhonté. C’était le signe évident d’un manque d’expérience de la part d’une formation qui ne savait pas comment gagner.
Si le directeur général Pierre Dorion, qui a passé 11 ans dans l’organisation du Canadien à titre de recruteur et de directeur du recrutement, avait été sur place quand Melnyk a mis la charrue devant les boeufs, il lui aurait poliment faire remarquer qu’on ne peut pas imaginer son nom gravé sur la coupe Stanley tant qu’on ne l’a pas levée au bout de ses bras.
Ce n’est pas de cette façon que Dorion a été élevé, tant par le Canadien que par son propre père, lui-même un homme de hockey compétent qui a été à l’emploi de la Ligue nationale et des Maple Leafs de Toronto.