samedi 21 octobre 2017

Quand le Canadien se laisse faire


Carey Price
Carey Price (Source d'image:Getty)
Pendant une période, la deuxième, le Canadien avait des jambes. Il avait même des ailes tant il volait sur la patinoire du Honda Center. Il avait de l’énergie; du cœur à l’ouvrage.
Animé par une rage qu’on avait peu ou pas décelée lors des sept premières rencontres, le Canadien s’est même permis de tirer à 30 reprises sur la cage des Ducks d’Anaheim qui, décimés par les blessures, battaient de l’aile.

Trois problèmes :
- En dépit ses 30 tirs – un record d’équipe – le Canadien n’a marqué que deux fois permettant ainsi au jeune gardien John Gibson de réaliser un nouveau record pour les Ducks avec 28 arrêts au cours d’une seule et même période.
- Avant d’avoir outrageusement dominé la période médiane, le Canadien s’était fait déclasser dans tous les aspects du jeu en accordant deux buts sur 21 tirs. La réplique de Montréal : aucun but sur sept tirs seulement. Entraîneur-chef du Canadien, Claude Julien a très bien résumé l’inertie de son club au premier vingt en lâchant : « On s’est laissé faire en première. »
- Après avoir outrageusement dominé le deuxième tiers, le Canadien, fidèle à ses habitudes, est ensuite disparu de la patinoire au cours de la troisième période, concédant trois buts en 97 secondes pour permettre aux Ducks de filer vers une victoire somme toute facile de 6-2.
Avec ces trois autres buts accordés aux Ducks en troisième période, le Canadien a maintenant été dominé 9-1 au dernier tiers en huit matchs. Difficile d’effectuer des remontées gagnantes, voire de simples remontées, dans ces circonstances.
Ou encore de protéger des avances.
Mais bon! Pour protéger des avances, il faudrait d’abord s’en offrir, ce que le Canadien n’a pas fait souvent cette année. Il l’a fait quatre fois en fait, dont deux fois au cours du même match contre Toronto au Centre Bell. Et chaque fois qu’il s’est offert une avance, le Canadien l’a échappée avant de s’incliner : contre Chicago, Toronto et Los Angeles.
Ce qui m’amène à me demander et à vous demander ceci : quel est le vrai visage du Canadien? Celui qu’il affichait en période médiane, ou celui qu’il avait lors des premières et dernières périodes?
Mes observations sur le match et le calvaire subi dans l’Ouest américain :
1 - Carey Price a besoin d’aide
2 - L’importance des mises en jeu
3 - Claude Julien a jonglé avec succès
4 - Beauchemin aurait certainement aidé le CH
Chiffre du match : -11
Le Canadien a non seulement été balayé en Californie, mais il a été éclipsé alors que les Sharks (5), les Kings (5) et les Ducks (6) – une chance qu’ils étaient décimés par les blessures – ont marqué un total de 16 buts alors que le Canadien s’est contenté de cinq pour un différentiel de moins-11.
Carey Price a besoin d’aide
Lorsque Chris Wagner a enfilé le troisième but en 97 secondes des Ducks en début de troisième période, le sixième du match, Carey Price a laissé sortir la frustration qui l’étouffait en fracassant son bâton sur le poteau droit du filet qu’il défendait.
Ou tentait de défendre, lanceront les détracteurs de plus en plus impatients de Price qui fait l’objet de critiques de plus en plus virulentes maintenant que la série de revers consécutifs est rendue à sept.
Carey Price a besoin d’aide. C’est clair. Il a besoin d’aide afin de retrouver son calme, son aplomb, sa technique et sa confiance qui intimide l’adversaire. Un adversaire qui ne semble plus intimidé du tout lorsqu’il s’avance vers celui qui est loin de jouer à la hauteur de son titre de l’un des meilleurs gardiens au monde.
Carey Price doit se retrouver. C’est clair. Et toute l’aide potentielle que lui offriront son épouse, leur fille, ses parents et amis, leurs chiens, son coach personnel Stéphane Waite, son psychologue sportif s’il en a un, ou une balade en forêt sera la bienvenue.
Mais Carey Price aura aussi besoin de l’aide de ses coéquipiers. Surtout de ses défenseurs qui n’ont rien fait pour aider sa cause vendredi soir. Du moins en première et en troisième périodes.
Karl Alzner s’est non seulement rendu coupable d’un affreux revirement devant le filet du Canadien au premier tiers, mais c’est lui qui a fait dévier la rondelle entre les jambes de son gardien sur le tir qui a suivi de quelques secondes sa remise aux Ducks. Comme quoi un malheur ne vient jamais seul.
Alzner a connu un match difficile vendredi. Du moins défensivement. Car à l’attaque, il a récolté une passe sur le premier but du Canadien. Le deuxième de la saison de Paul Byron. Le but qui a donné des ailes au Canadien en période médiane, avant qu’il ne repique du nez au dernier tiers.
Cela dit, si c’est une bonne nouvelle pour Alzner d’occuper le premier rang des passeurs du Tricolore avec quatre mentions d’assistance, est-ce qu’on peut être d’accord qu’il s’agit du même coup d’une très mauvaise nouvelle pour le Canadien que ce défenseur, surtout défensif, soit le meilleur passeur de l’équipe ET qu’il connaisse autant de difficultés autour de la cage de Carey Price
Alzner n’est pas le seul à en arracher.
Jeff Petry est méconnaissable cette année. La patience du coach a d’ailleurs atteint sa limite alors que Petry s’est retrouvé au sein du troisième duo en compagnie de Joe Morrow, cédant sa place à la droite de Karl Alzner à Jordie Benn.
Même le premier duo de Shea Weber et Victor Mete a eu les mains pleines vendredi. Surtout aux premier et dernier tiers.
Mete, qui a démontré une fois de plus, ses grandes habiletés et son grand calme avec la rondelle qu’il a bien distribuée, s’est fait souhaiter la bienvenue à Anaheim par Corey Perry qui l’a chassé de son passage d’une main avant de foncer vers le filet de Carey Price pour mener au sixième but des Ducks.
Pas question ici de pointer du doigt le jeune arrière de 19 ans. Encore moins de remettre en question la stratégie de le garder avec le grand club. Une stratégie qui serait d’ailleurs bien difficile de contester alors que personne d’autre que lui ne semble en mesure d’évoluer avec aisance et succès à la gauche de Weber.
Mais le fait que même le premier duo ait eu les mains pleines vendredi, à Anaheim, prouve à quel point la brigade défensive du Canadien peine à gagner des batailles devant, derrière et autour du filet, afin de donner un coup de main à son gardien qui doit toutefois lui aussi être bien meilleur.
L’importance des mises en jeu
Quand un club est fragile comme le Canadien l’est présentement, des petits riens ont de grosses conséquences. Et la plupart du temps, ces conséquences sont négatives.
On a déjà parlé du but qu’Alzner a orchestré et même marqué pour aider les Ducks à prendre les devants 2-0.
Mais sur le premier but, c’est une mise en jeu perdue en zone défensive par Jacob De La Rose qui a ouvert la porte au tir anodin qui a suivi, mais dont Dennis Rasmussen a profité pour faire dévier derrière Carey Price.
De La Rose, qui ne l’avait pas beaucoup hier, a perdu deux des sept mises en jeu qu’il a disputées. Pas surprenant qu’il ait effectué un total de 10 présences seulement sur la patinoire.
Les autres centres n’ont pas été meilleurs. Plekanec (9/20 = 35 %), Phillip Danault (9/26 = 35 %) et Jonathan Drouin (5/12 = 42 %) ont plus souvent laissé les Ducks amorcer les séquences en possession de la rondelle que le contraire. Rien pour aider la cause d’une équipe qui se cherche comme le Canadien.
En prime, la chance a souri aux Ducks alors qu’un tir raté – bâton fracassé – de Kevin Bieksa est devenu une passe parfaite dont Brandon Montour a profité pour décocher un tir frappé sur réception aussi vif que précis qui n’a donné aucune chance à Carey Price.
Ce but a coupé ce qui restait de souffle au Canadien. Quand il s’est retrouvé à nouveau en déficit deux buts, la question n’était plus de savoir si le Canadien allait encore perdre, mais bien par combien de buts il allait perdre.
On l’a vite su...
Claude Julien a jonglé avec succès
Malgré tout ce qui lui est arrivé de mal, vendredi soir, à Anaheim et de très mal au cours de sa virée en Californie, le Canadien aura au moins connu une bonne deuxième période contre Anaheim.
Une très bonne même.
Une période au cours de laquelle Claude Julien – j’imagine que tout ça a commencé par un monologue assez féroce dans le vestiaire au cours du premier entracte – a donné une poussée dans le dos de ses joueurs en remaniant ses trios.
Et bien que son club ait encore perdu, Julien a peut-être eu la main heureuse si l’on se fie aux succès de la deuxième période, sans pour autant se laisser abattre par le retour du balancier en troisième.
Séparé de Jonathan Drouin pour ensuite être confié à Phillip Danault, a repris vie. Non! Il n’a pas marqué. Du moins pas encore, mais avec ses 17 tirs tentés il a été beaucoup plus actif que lors des sept premières rencontres.
Le capitaine a encore été mou par moments. Il a provoqué au moins deux hors-jeu. Il a raté des passes. Il a été plus dominé que dominant.
Mais en cadrant 10 des 17 rondelles qu’il a tirées, Pacioretty s’est au moins donné la chance de marquer. À défaut de le faire pour vrai.
Avec Andrew Shaw sur le flanc, ce nouveau premier trio a été très bon.
Il faut dire que Shaw, qui avait amorcé la rencontre avec Paul Byron et Phillip Danault, a connu un match solide. Il a démontré de la hargne. Il a brassé l’adversaire. S’est fait brasser aussi. Il a donné le ton.
On n’a pas beaucoup vu Alex Galchenyuk. Pas assez. Il a encore écopé une pénalité dont l’adversaire a su profiter pour marquer.
Mais dans le cadre d’un match au cours duquel les joueurs du Canadien ont cadré 51 des 80 tirs qu’ils ont tentés, est-il normal que Galchenyuk ne revendique qu’un petit tir tenté?
Ma réponse est non! Surtout qu’il évoluait en compagnie de Jonathan Drouin et Artturi Lehkonen.
Mais bon, on va se consoler en spécifiant que Galchenyuk a au moins touché la cible.
Le toujours rapide et énergique Paul Byron a marqué le premier but du Canadien. Le moins rapide, mais toujours énergique Brendan Gallagher a ajouté l’autre. Si Byron et Gallagher sont moins jeunes que Hudon et Lehkonen qui ont fait rajeunir Tomas Plekanec au cours du camp d’entraînement, peut-être que Byron et Gallagher pour aider Plekanec a récolté des points de temps en temps.
Hudon? Il a tiré la mauvaise paille, car avec De La Rose confiné au banc en deuxième et troisième période et avec Ales Hemsky qui s’est retrouvé à l’infirmerie en raison de quelques solides coups d’épaule encaissés en première, il n’a effectué qu’un total de 15 présences totalisant moins de 10 minutes de jeu.
Mais bon. En jonglant avec ses trios, Claude Julien a coaché. Il a secoué son groupe. Son groupe a réagi. Au moins en période médiane.
«Mon niveau de frustration est très élevé en ce moment. On doit jouer 60 minutes comme on l’a fait durant les 20 minutes en deuxième. On vient de démontrer qu’on peut le faire. Qu’on est capable. Je suis aussi responsable des déboires que mes joueurs. Je dois trouver des solutions», a conclu Claude Julien qui rentre à Montréal samedi avec le reste de l’équipe.
Il sera intéressant de voir si le directeur général débarquera lui aussi à Montréal pour un rare week-end sans match au programme. Ou s’il mettra le cap sur d’autres villes de la LNH afin d’aller épier les autres clubs et qui sait se mettre à négocier directement afin de conclure une ou des transactions qui semblent de plus en plus nécessaires pour aider à relancer son équipe, avant qu’il ne soit trop tard ?
Car oui, il commence déjà à se faire tard.
Beauchemin aurait certainement aidé le CH
Petite question en terminant : est-ce que je suis le seul qui s’est demandé du début à la fin de la rencontre de vendredi pourquoi François Beauchemin endossait le chandail des Ducks et non celui du Canadien?
En regardant le défenseur québécois âgé de 37 ans enfiler les 34 présences de qualité qu’il a effectuées contre le Canadien, je n’ai pu m’empêcher de me dire qu’il aurait été bien plus utile autour de Carey Price que Mark Streit, Joe Morrow, Brandon Davidsson, Jeff Petry et peut-être même Karl Alzner.
Après avoir perdu Beauchemin au ballottage, le CH lui a tourné le dos une première fois lorsqu’il est devenu joueur autonome préférant miser sur Jaroslav Spacek.
La direction du tricolore lui a encore tourné le dos l’été dernier. Pour 1 million $, soit le salaire que lui verse les Ducks, Beauchemin aurait rapporté bien plus de dividendes, de robustesse, de leadership et d’enseignement aux jeunes, que Benn (1,1 million $ cette année et l’an prochain) que Brandon Davidson (1,425 million $) que David Schlemko (2,1 millions $ pour cette année et l’an prochain), que Joe Morrow (650 000 $) sans oublier Mark Streit dont le contrat de 700 000 $ a été racheté.
Il aurait offert un meilleur rapport qualité prix qu’Alzner (4,625 millions $ pour cette année en encore quatre ans ensuite) et Jeff Petry (5,5 millions $, cette année et encore trois ans).
Mais bon...