MONTRÉAL – Un direct au menton, une accumulation d’uppercuts, un travail de finition sans merci. C’est un scénario qui ne vous fera jamais tomber en bas de votre chaise quand vous regardez un combat de Patrick Côté.
Dimanche, à son retour dans l’octogone de l’UFC, Côté a suivi ce script à la lettre. Quand il a forcé l’arbitre Steve Rita à s’interposer entre ses poings et le visage de Ben Saunders, l’effet de surprise est surtout venu du fait qu’il venait de signer une deuxième victoire consécutive par K.-O. Pour lui, c’était une première séquence du genre depuis celle qui l’avait mené à l’obtention d’un combat de championnat contre Anderson Silva en 2008.
Mais quant à la méthode utilisée, c’était du Prédateur tout craché.
La vraie révélation à retenir de cette éclatante victoire est plutôt survenue quelques minutes avant le coup de grâce, au premier round, quand Côté, de son propre aveu, s’est fait prendre par surprise par une projection de Saunders et s’est retrouvé sur son dos, monté par un colosse de 6 pieds 3 pouces.
Des situations inconfortables, Côté en avait déjà connu quelques-unes depuis le début de sa carrière. On ne pratique pas les arts martiaux mixtes pendant près de 15 ans sans aller sentir le tapis de temps en temps. Mais contre Saunders, on a assisté à une autre preuve de la métamorphose opérée par le vétéran depuis son retour dans les ligues majeures, à l’une des raisons pour lesquelles, à 35 ans, il est redevenu un nom pertinent dans le sport qu’il a aidé à faire connaître au Québec et au Canada.   
Avec un adversaire dans sa garde, Côté est passé à l’attaque.  
« Avant, j’avais le jiu-jitsu, mais je m’en servais surtout pour m’en défendre, expliquait Côté à son retour de Boston, lundi après-midi. Je ne voulais pas y aller, c’était une question de confiance. Mais j’ai pris beaucoup de maturité et je n’ai plus peur d’essayer des affaires. Même si ça ne marche pas, je sais que je ne me mettrai pas dans le trouble, que je vais être capable de m’en sortir quand même. Ça me donne un outil de plus dans mon coffre au niveau des offensives et ça va faire réfléchir encore plus mes adversaires à l’avenir. »
Ben Saunders et Patrick CôtéDans pareille situation, l’ancien Côté aurait emprunté la voie de la prudence. Il aurait probablement cherché à se coller comme une ventouse à la poitrine de son assaillant, à fermer les espaces en enveloppant son adversaire dans ses membres en attendant que l’officiel ne remette l’action debout ou que la sirène annonçant la fin du round se fasse entendre. Si c’était ce que Saunders avait en tête, ses plans ont été déjoués.    
Côté s’est d’abord protégé, a étudié la situation, puis s’est activé. Il a évalué ses options à droite et à gauche jusqu’à ce qu’il juge le moment opportun pour passer à l’action. Lorsqu’il s’est emparé du bras droit de Saunders pour le piéger entre ses jambes, il croyait bien être en voie de célébrer sa première victoire par soumission en près de dix ans.
« C’est passé proche! Je dirais qu’elle était parfaite à 98%, estime celui qui gagne aussi sa vie comme analyste à RDS. C’est sûr que ça se fait vite, mais si on parle vraiment de la technique comme on l’enseigne, je n’ai pas suffisamment serré mes genoux pour emprisonner le bras et il a été capable de sortir le coude. Mais ça aurait pu passer contre n’importe qui. »
L’initiative de Côté a néanmoins été payante. Elle lui a permis de reprendre le contrôle du combat en s’emparant d’une position avantageuse et en portant les meilleurs coups dans la dernière portion du round.
Au deuxième, le naturel est revenu au galop. Côté a étudié son vis-à-vis pendant une petite minute avant de lancer une première combinaison qui a touché la cible. Saunders était ébranlé, Côté l’a senti et a trouvé l’audace de poser un geste en apparence osé : provoquer le corps à corps avec un expert de boxe thaïlandaise de la trempe de « Killa B ».
« Je suis rentré avec un gros direct et je l’ai pincé directement sur le menton, décrit-il. Dans le clinch, je sentais que son emprise n’était pas vraiment solide autour de ma tête et il y avait beaucoup d’espace, alors j’ai commencé à lancer des uppercuts. Le troisième qui a touché directement sur la mâchoire, j’ai vite compris qu’il avait vraiment fait mal. Quand j’ai vu les genoux plier, l’arbitre lui a donné une chance de revenir, mais j’ai complété le travail. »
Côté rit quand on lui demande s’il sait combien de coups il a pu passer sous la défense de sa victime avant que celle-ci ne s’écroule. Selon les données recueillies par FightMetric, 23 des 31 coups lancés par le Québécois au deuxième round ont touché la cible.
«  Je ne les ai pas comptés encore. Ils passaient tous, alors je n’ai pas arrêté. »
Prêt à accueillir Nick Diaz
Les critiques ont été dithyrambiques après la performance de Côté. Du nord au sud, de nombreux observateurs se sont empressés de la consacrer comme la plus impressionnante de sa carrière.
« Je ne cacherai pas que c’est une de mes bonnes, approuve le principal intéressé. Je me suis senti en confiance et en contrôle d’un bout à l’autre. C’est un des combats pour lesquels j’étais le moins nerveux de toute ma vie. Même dans le vestiaire, on s’est réchauffé pendant dix minutes et le reste du temps, on niaisait, on riait. Il n’y avait rien de stressant de notre côté et ça a bien été. »
Après sa victoire précédente, contre Josh Burkman, Côté avait fait campagne pour obtenir un adversaire classé dans le top-15 de la division des mi-moyens, mais son souhait n’avait pas été exaucé. Il a donc fait parler ses poings, livrant un argument qui risque de ne laisser aucun choix à ses patrons.
« Je pense avoir passé un message assez évident. Avec ce combat, je pourrais moi-même faire mon entrée dans le top-15, alors on verra. Je crois leur avoir mis un peu de pression », avance celui qui montre maintenant un dossier supérieur à ,500 (10-9) pour la première fois de sa carrière à l’UFC.
À tête reposée, Côté propose le nom de Matt Brown, présentement classé 6e chez les mi-moyens. Immédiatement après sa victoire, dans les coulisses du TD Garden, il avait été encore plus ambitieux en prononçant le nom de Nick Diaz, qui fait l’objet d’une suspension qui sera levée au mois d’août.
« Il m’en reste moins qu’il m’en restait, alors si je n’ai pas de combat contre quelqu’un qui est classé, je veux des combattants qui ont un nom. Je veux un combat qui vaut quelque chose au niveau du marketing. C’est ça qui est important pour moi maintenant. Je n’ai pas le goût de passer à travers une séquence de dix autres combats pour avoir une chance au titre. Donc si je ne peux pas avoir un gars bien classé, donnez-moi un nom. »
Alors, c’est pour quand, la première guerre de mots virtuelle? Pas cette fois, affirme Côté, qui compte revenir à la bonne vieille méthode pour trouver sa prochaine victime.
« Il n’y aura pas de challenge sur Twitter, promet-il en s’esclaffant. Je l’ai dit à voix haute, c’est sûr que ça va se rendre à ses oreilles. On va voir s’il va répondre. »