Peut-être voulait-il endormir Carey Price à l’aube du premier duel Canadien-Rangers de la saison; peut-être voulait-il endormir ses propres démons qui viennent trop souvent le hanter quand il pose les patins sur la patinoire du Centre Bell.
Je ne sais pas.
Ce que je sais toutefois, c’est que 24 heures après avoir qualifié Carey Price de meilleur gardien de but au monde, Henrik Lundqvist a vu le gardien du Canadien lui donner raison.
Et comment!
Avec ses 25 arrêts, dont trois, cinq, sept méritent une place dans les arrêts de la semaine, peut-être du mois et qui sait de l’année, Price a signé son premier jeu blanc de la saison et sa quatrième victoire déjà. Une victoire qui permet au Canadien de mettre bout à bout cinq victoires de suite en lever de rideau d’une saison pour la toute première fois de son histoire. Je sais, c’est surprenant pour un club qui a dominé la LNH pendant tant d’années et qui a même connu une saison de huit revers seulement en 1976-1977, mais c’est comme ça.
Ovationné à tout rompre lorsqu’il a été le dernier – et non le moindre – joueur du Tricolore à brandir le flambeau initialement remis au nouveau capitaine Max Pacioretty par Guy Carbonneau, Carey Price a soulevé la foule à plusieurs reprises alors que ses adversaires des Rangers levaient la tête au ciel en guise de dépit. Et c’est porté par les habituels Carey! Carey! Carey! scandés par ses fans que Price a effectué sa première sortie de l’année à titre de première étoile avant d’accorder l’entrevue réservée au héros de la soirée à mon collègue Marc Denis après le match sur la glace du Centre Bell.
Éloges et fausse note
Dans le vestiaire des Rangers comme dans celui du Canadien bien sûr, les éloges fusaient à l’endroit de Price.
La seule note discordante est venue de la bouche de l’entraîneur-chef des Blueshirts. Visiblement insatisfait de la tenue de son équipe, Alain Vigneault était en complet désaccord avec tous ceux et celles qui louangeaient la performance de Price et qui qualifiaient la rencontre Rangers-Canadien de sensationnel duel de gardiens de but. «Il y a un gardien qui a été occupé ce soir, c’est le mien. Carey Price n’a pas eu grand-chose à faire», a lancé Vigneault qui a toutefois vanté le Canadien en insistant sur le fait qu’il venait d’offrir «toute une leçon de hockey à son club.»
Vigneault avait raison de dire que son gardien a été occupé. Il l’a même été davantage que Price puisque le Tricolore a obtenu 31 tirs et deux buts à ses dépens. Le troisième a été inscrit dans un filet désert. Le coach des Rangers avait sans doute également raison de vouloir fouetter ses joueurs.
Mais il a eu tort de minimiser le brio de Price et le brillant duel que les deux gardiens se sont livré. Car nous avons eu droit à tout un duel de gardiens. De fait, ça note discordante sonnait faux.
«Price a été excellent. Il nous a frustrés toute la soirée. C’est juste plate qu’on n’ait pas été en mesure d’offrir un but à notre gardien qui a été sensationnel aussi. Mais c’était tout un duel. Un duel opposant les deux meilleurs gardiens au monde», a reconnu le Québécois Derick Brassard dans le vestiaire des perdants.
Lundqvist solide
De fait, c’est Lundqvist qui a donné le coup d’envoi à ce duel. Il l’a fait en première en repoussant du bout du patin gauche un tir vif décoché à contre-courant par P.K. Subban. Lundqvist a aussi brillé en volant des buts à David Desharnais et Devante Smith-Pelly en sortant la mitaine de nulle part. «J’ai frappé la rondelle au vol, j’étais convaincu qu’elle était entrée», a reconnu un DSP encore ébahi par l’arrêt réalisé à ses dépens.
«Il est comme ça (Lundqvist) il triche un peu en t’offrant le côté de la mitaine et il te surprend ensuite. J’ai décoché un très bon tir. Il a capté la rondelle derrière lui… mais il l’a captée», racontait David Desharnais à l’autre bout du vestiaire.
Même s’il a été privé d’un but presque certain, Desharnais pouvait se consoler avec ses deux passes récoltées. Il aurait pu en obtenir une troisième si la passe parfaite dirigée vers Nathan Beaulieu à l’embouchure du but n’avait pas dévié sur le patin du défenseur. Car c’est dans une cage déserte que l’arrière venu appuyer l’attaque aurait marqué.
Il a fallu un jeu à moitié raté – un tir de Desharnais a touché au défenseur Ryan McDonagh avant que la rondelle ne se retrouve sur le bâton de Fleischmann qui a inscrit le premier but du match – pour déjouer Lundqvist une première fois.
En passant, c’était la cinquième fois de suite que le Canadien marquait le premier but en ce début de saison. Dale Weise l’a surpris avec un tir bas en fin de troisième. Pour le reste, Lundqvist a excellé lui aussi.
L’ennui pour les Rangers, leur gardien et leur coach, c’est que pour chaque arrêt effectué par Lundqvist – il s’est aussi imposé devant Brian Flynn en échappée, Max Pacioretty qui s’est présenté seul devant lui après avoir mystifié la défensive des Blueshirts et j’en passe et j’en oublie – Carey Price avait une réplique à offrir.
Frustrer Nash, frapper Kreider
Price s’est particulièrement illustré en tenant le fort pendant que son équipe se défendait à trois contre cinq en période médiane. Comme si cette situation n’était pas assez périlleuse, ce sont les défenseurs Andrei Markov et Alexei Emelin qui étaient au cachot durant ce désavantage de 1 min 42 s.
Mais avec un Price en aussi grande forme, le CH semblait évoluer à forces égales tant son gardien a muselé les Rangers. «On a obtenu quatre bonnes occasions pendant cet avantage numérique et on n’a pas marqué», a insisté Brassard.
Derek Stepan a été la principale victime de Price pendant ce trois contre cinq. Mais aussitôt Markov et Emelin sortis du cachot, Price a volé le redoutable Rick Nash en sortant la mitaine de nulle part.
«Le pire sur ce jeu, c’est qu’un mauvais bond de la rondelle m’a fait partiellement rater mon tir. Je n’enlève rien à l’arrêt qu’il a fait contre moi, même que je crois qu’il était peut-être plus difficile à effectuer, car la rondelle a suivi une bizarre de trajectoire. Comme une balle papillon au base-ball. Mais je crois que dans les échanges d’occasions de marquer, Montréal a obtenu les meilleures alors que nous sommes demeurés trop en périphérie. Cela dit, c’est plaisant de prendre part à une partie opposant deux gardiens en aussi bonne forme», a reconnu Nash après la partie.
«Je me suis fait jouer un tour sur un tir semblable contre Letang (Kristopher) à Pittsburgh. Ce soir, j’ai pu mieux suivre la rondelle», a expliqué Price en parlant de son arrêt aux dépens de Rick Nash.
En plus de voler la vedette avec des arrêts qui lui ont valu la première étoile, Price a fait plaisir à ses fans avec une mise en échec qui a envoyé Chris Kreider cul par-dessus à la droite de son filet. Kreider est le Ranger qui avait blessé Price au genou il y a deux ans en finale d’association Est avec une glissade accidentelle. «Je n’ai pas eu le temps de voir de qui il s’agissait», a tenté de faire croire Price – vous n’êtes d’ailleurs pas obligé de le croire – qui a imputé au fait qu’il ne soit pas un «petit bonhomme» la chute de Kreider lors de l’impact.
Si Price est demeuré humble dans sa petite vengeance à l’endroit de Kreider, son épouse Angela a volé la vedette sur la «twittosphère» en répondant «je pourrais passer la journée à regarder ça» à un gazouilli coiffant le fait saillant immortalisant la mise en échec assénée par Carey Price.
Un gazouilli qui complétait à merveille la soirée de travail de son mari.