Pour la première fois depuis le début de la saison, le Canadien a gagné un match qu’il aurait dû perdre. Un match qu’il aurait perdu si Carey Price n’avait pas joué à la hauteur de sa réputation de meilleur gardien au monde, ou que Jonathan Bernier avait pu faire contrepoids à ses statistiques désolantes face au Canadien.
Vrai que Carey Price a accordé un rare cadeau en offrant à Morgan Rielly son premier but de la saison sur un tir anodin en troisième période. Un tir que le gardien du Canadien bloquerait 99 fois sur 100. Vrai aussi que Price a semblé quelques fois pris par surprise par des tirs des Leafs et/ou des rebonds autour de son but. Mais au-delà ces quelques signes confirmant qu’il soit encore humain malgré des performances très souvent surhumaines, Price a stoppé 49 des 52 tirs des Leafs.
À lui seul, le nombre de tirs décochés par les Leafs démontre à quel point l’équipe qui patinait devant Price a disputé un match bien ordinaire. À quel point elle a même été outrageusement dominée en période médiane – Toronto a obtenu 23 de ses 52 tirs en deuxième période – et à quel point un brin ou deux de plus de talent offensif dans le camp adverse aurait compliqué la tâche déjà difficile du gardien du Canadien et peut-être conduit les Leafs à la victoire.
Pauvre Bernier
Jonathan Bernier est un bon gardien. Bon ! Il n’a peut-être pas sa place dans le top 15 des numéros un de la LNH. Peut-être même que ses détracteurs le confineront dans le dernier tiers, voire au bas de ce dernier tiers.
Mais il demeure un meilleur gardien que son auxiliaire James Reimer et il est, pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, le gardien de choix de l’entraîneur-chef Mike Babcock. Un titre que Bernier est mieux de garder, car son nouvel entraîneur préfère, et de beaucoup, avoir un partant qui s’occupe du gros du travail et un second vers qui se tourner de temps en temps.
L’ennui pour Bernier c’est que contrairement à bon nombre de gardiens québécois qui profitaient souvent, très souvent, trop souvent au goût du Canadien et de ses fans, d’un affrontement contre le Tricolore et/ou d’une escale au Centre Bell pour offrir une performance étincelante, signer une victoire et parfois même l’auréoler d’un jeu blanc, Bernier connaît plus que sa part d’ennuis contre Montréal. Et à Montréal c’est pis encore…
Après 11 affrontements contre le Canadien en carrière, Jonathan Bernier ne revendique qu’une victoire. Un gain signé en janvier 2014 à Toronto.
Samedi soir, il a encaissé sa septième défaite en temps réglementaire. Sept revers auxquels ont doit en ajouter trois autres subis en prolongation (un) et en tirs de barrage (deux).
Les cinq buts accordés par Bernier samedi marquaient un triste record personnel contre le Tricolore. Après 11 duels – dont deux matchs dans l’uniforme des Kings de Los Angeles –, Bernier a été victime de 35 buts marqués par le Canadien. Cinq de ces buts, dont deux marqués samedi, ont été inscrits lors d’attaques massives du Tricolore.
Mais attention, le Canadien en a ajouté six aux dépens de Bernier alors que les Leafs évoluaient en avantage numérique. Quand je vous dis que le Québécois a sa part d’ennuis contre Montréal…
C’est d’ailleurs un but en désavantage numérique accordé à Max Pacioretty qui a complètement miné les chances de victoire des Leafs.
Déjà que le Canadien venait de jouer de chance – Michael Grabner, en effectuant un repli défensif, a fait dévier une passe de David Desharnais derrière Bernier – pour briser l’égalité que les Leafs venaient de créer, le gardien québécois a concédé un but facile à Pacioretty.
Même si le capitaine du Canadien fonçait vers lui en compagnie de Tomas Plekanec dans une descente à deux contre un, Bernier ne pouvait se permettre d’être déjoué par le tir somme toute anodin de Pacioretty. Un tir franc, je veux bien, mais que Bernier aurait facilement dû stopper avec ses jambières au lieu de laisser filer la rondelle entre celles-ci.
La réaction des coéquipiers de Bernier a été instantanée : que ce soit en levant les yeux vers le plafond du centre Bell, ou en fixant la glace sans bouger, les joueurs des Leafs ont alors lancé les armes aux pieds de Carey Price et du Tricolore.
Et comme si ce but accordé par Bernier n’avait pas déjà suffisamment fait mal à son club, Dion Phaneuf a ensuite été indigne à son titre de capitaine. Phaneuf a écopé une pénalité stupide et guidée par sa vanité alors qu’il s’est rué sur Dale Weise qui venait de l’envoyer cul par-dessus tête avec une mise en échec solide et légale dans le coin de la patinoire à la gauche de Jonathan Bernier.
Moins d’une minute après le début de la pénalité, Brendan Gallagher faisait dévier un tir passe de P.K. Subban pour porter le score 5-2 avec 14 secondes à écouler en deuxième période. Une deuxième période exécrable du Canadien. Sa pire période de la saison tant il a été mauvais défensivement. Mais une période au cours de laquelle le Tricolore a marqué quatre buts sur 11 tirs en direction de Bernier, pendant que Price n’accordait que deux buts aux Leafs qui venaient de le canarder 23 fois.
Mauvaise performance
Quand tout va bien pour une équipe – et que tout va mal pour une autre –, il arrive ce qui est arrivé au Centre Bell hier. En profitant de Carey Price qui a sauvé la donne positivement aux dépens de Jonathan Bernier qui n’a pu lui tenir tête, le Canadien a marqué des buts opportuns et chanceux et il s’est sauvé avec la victoire.
Une victoire qu’il ne méritait pas vraiment compte tenu de la piètre qualité du jeu du Canadien en défensive, de son manque d’énergie déployée en attaque et d’une indiscipline dont il ne s’était pas souvent rendu coupable depuis le début de la saison. Mais quand les unités spéciales t’offrent trois buts (deux en attaque à cinq et un premier cette saison en désavantage numérique) et que ton gardien t’en sauve trois, quatre, peut-être même cinq, tes chances de gagner sont bonnes.
Sans fustiger ses joueurs – il serait bien malvenu de la faire alors qu’ils sont sur une séquence victorieuse historique – l’entraîneur-chef Michel Therrien a toutefois reconnu ce que tout le monde avant déceler au cours du match. Il a reconnu que son équipe avait disputé un mauvais match de hockey.
Au-delà la victoire, les lacunes relevées lors du match pourraient ouvrir la porte à des premiers changements au sein de la formation, ne serait-ce que pour servir un petit électro-choc à un club sur le point de se laisser endormir par ses succès aussi inattendus qu’inespérés.
On verra.
Mais Michel Therrien a déjà donné une idée de son mécontentement en confinant Alexander Semin au banc en troisième période. Incapable de suivre le rythme d’Alex Galchenyuk – il a été bien meilleur que vendredi à Buffalo – et même Lars Eller, Semin s’est rendu coupable de deux revirements qui ont conduit à deux des trois buts des Leafs.
«Je n’ai pas aimé ça», a candidement reconnu Michel Therrien quand on lui a demandé pourquoi il avait sévi à l’endroit de Semin.
Comme quoi le coach du Canadien n’est pas obnubilé par la séquence de son équipe. Ce qui est une très bonne nouvelle. Parce que c’est justement alors que tout sourit à une équipe comme c’était le cas samedi, qu’un coach doit s’assurer de secouer sa troupe pour éviter qu’elle tombe dans la complaisance et qu’elle ait ensuite besoin d’une série de revers pour se réveiller.
Le Canadien mettra le cap sur Vancouver dès dimanche. Il aura donc deux journées pour composer avec le décalage horaire avant de croiser les Canucks. Deux jours qui permettront aussi à Michel Therrien de s’assurer que la complaisance remarquée samedi au Centre Bell ne vienne pas enrayer la machine qui roulait au quart de tour depuis le début de la saison.