On dira ce qu’on voudra du manque de pression en raison du fait que le Canadien est pratiquement éliminé des séries. On dira ce qu’on voudra du fait que les gros clubs prennent le Canadien à la légère. On dira ce qu’on voudra sur la position qui lui va, ou lui ira le mieux.
Pour le moment, toutes ces paroles ne font pas le poids avec les performances d’Alex Galchenyuk, qui ne se contente pas de marquer à tous les matchs, mais qui le fait en double.
Comme s’il voulait rattraper le temps perdu. Comme s’il voulait tourner un peu plus à chaque match le fer dans la plaie – ou les plaies – de l’état-major du Tricolore qui l’a trop longtemps gardé sur le banc au lieu de lui offrir du temps d’utilisation de qualité.
Trois matchs de suite de deux buts, ce n’est pas rien. C’est énorme en fait. Mais avant de s’emporter, il est nécessaire de rappeler que ce n’est pas non plus une assurance que Galchenyuk multipliera les saisons de 30, de 40 voire de 50 buts.
Loin de moi l’intention de jouer les rabat-joie. Mais bien qu’on doive remonter au début de la saison 1995-1996 pour retracer le dernier joueur du Canadien à avoir réussi pareil exploit – trois matchs de suite de plus d’un but – il est important de souligner que c’est Brian Savage qui a précédé Galchenyuk et que Savage n’a jamais connu de saison de 30 buts en carrière.
D’où ma mise en garde.
Avec encore 14 matchs à disputer, surtout s’il arrive à fonctionner ne serait-ce qu’à la moitié du rythme qui le propulse présentement, Galchenyuk atteindra sans ennui le plateau des 30 buts pour la première fois de sa carrière puisqu’il ne lui en manque que cinq.
Mais attention, Galchenyuk n’a pas seulement rejoint Brian Savage dans le livre d’histoire du Canadien. Avec un cinquième match de deux buts à ses huit dernières parties, il a aussi rejoint le grand, le très grand, Jean Béliveau qui est le dernier à avoir signé pareil exploit. C’était en février et mars... 1959.
On ne s’emportera pas trop vite – une fâcheuse manie dans le camp des médias et des partisans qui suivent de très (trop) près les activités du Canadien – mais si la séquence actuelle permet de propulser Alex Galchenyuk plus près du Gros Bill que de Brian Savage, le Canadien sera en business pour un sapré bout de temps. Peu importe que Galchenyuk joue au centre ou à l’aile.
Plus Galchenyuk mousse sa production offensive, plus on peut se demander pourquoi diable le Canadien a tant attendu avant de lui offrir la chance de produire.
Je sais, le Canadien se défend en disant que Galchenyuk n’était pas prêt. Qu’il ne jouait pas avec la même fougue et détermination qu’il le fait présentement. Ce qui est vrai. Qu’au lieu d’attendre que les occasions de marquer se présentent, il les provoque maintenant.
Ça n’excuse toutefois pas le fait que Galchenyuk suivait les attaques massives du banc alors que ses coéquipiers envoyés dans la mêlée ne cassaient rien. Rien de rien.
À l’image de Wally Pipp
Impossible de prédire combien de temps se prolongera cette séquence de rêve de Galchenyuk. Encore moins jusqu’où elle mènera l’attaquant de talent dont on attendait l’éclosion depuis le début de la saison.
Mais si Galchenyuk maintient le rythme et qu’il devient le fer de lance de l’attaque du Tricolore, celui qui faisait cruellement défaut, il faudra peut-être remercier David Desharnais, qui est le responsable indirect de cette éclosion.
Car c’est la blessure subie par Desharnais qui a ouvert toute grande la voie à Galchenyuk vers un temps d’utilisation plus généreux et surtout de meilleure qualité.
C’est souvent comme ça dans le sport. Une blessure ici, ouvre une porte là. Parfois, ça donne des histoires fabuleuses. Parfois, ça donne même des légendes. Le nom de Wally Pipp ne vous dit peut-être rien si vous êtes âgés de moins de 35, voire 40 ans ou que vous ne suivez pas le baseball. Wally était un joueur vedette. En 1925, alors qu’il défendait les couleurs des Yankees de New York, Wally a dû quitter le premier but en raison – selon la légende – d’un mal de tête. Le petit gars qui l’a remplacé s’appelait Lou Gehrig. Ce jour-là, Gehrig a disputé le premier de ses 2130 matchs consécutifs en carrière... et Pipp s’est ensuite retrouvé à Cincinnati, avec les Reds.
Je ne souhaite pas de malheur à Desharnais. Loin de là. Travailleur honnête, magnifique fabriquant de jeu doté d’une excellente vision et de mains qui lui permettent d’effectuer des passes savantes, Desharnais a offert de très bons services au Canadien. Il en offrira peut-être encore de bons, voire de très bons.
Mais lorsqu’il sera remis de la blessure au pied qui lui a fait rater un 11e match hier soir, il sera impensable de le voir retourner devant Galchenyuk dans la hiérarchie des attaquants du Canadien.
Peu importe la position occupée par l’un ou par l’autre.
De fait, avec le poste de troisième centre qui semble acquis à Phillip Danault – un rôle qui lui va très bien et qu’il peut occuper avec brio – et la compétition féroce qui se prépare pour le poste de centre du 4e trio, il est permis de se demander quel avenir le Canadien réserve à David Desharnais et Lars Eller à titre de joueurs de centre.
Car si Galchenyuk hérite du rôle de premier centre, je ne vois pas comment Desharnais ou Eller pourrait déloger Tomas Plekanec du rôle de centre numéro deux.
Et si c’est par voie de transaction ou de mise sous contrat d’un joueur autonome que Marc Bergevin déniche enfin le «gros» joueur de centre tant attendu, Galchenyuk se battra-t-il alors avec Plekanec pour piloter le 2e trio.
Si c’est le cas, Desharnais et Eller ne seront pas plus avancés à titre de centre. Car peu importe la décision de l’état-major, le Québécois ou le Danois ne peuvent sortir gagnants d’un duel avec Galchenyuk ou Plekanec.
Du moins, je ne crois pas.
Tout ça pour dire que même si les matchs ne comptent pas, qu’ils ne comptent plus, et même si d’autres parties seront aussi sans saveur que celle que le Canadien a livrée aux Sabres jeudi soir au Centre Bell, les esquisses visant à déterminer l’allure du Tricolore en octobre prochain nous tiendront tous occupés.
Et c’est tant mieux.
Arrêts de jeu
En passant, le Canadien et les Sabres ont disputé un total de 76 mises en jeu jeudi soir. Soixante-seize mises en jeu en 60 minutes, ça donne une mise en jeu toutes les 47,3 secondes.
Difficile dans ces circonstances d’offrir du hockey soutenu aux amateurs qui ont – pauvres de vous – payé le gros prix pour assister à cette rencontre, qui avait des allures de match préparatoire. Impossible même. Espérons que ce sera un brin ou deux meilleur samedi lors de la visite du Wild du Minnesota.
Ce pourrait difficilement être pire!
Malgré ses deux dernières victoires, le Canadien est toujours à six points du 8e rang dans l’Est et des Penguins de Pittsburgh qui ont toutefois deux matchs de plus à disputer.
Il a en plus trois autres clubs à dépasser avant de souffler dans le cou des Penguins.
Malgré tout, le Canadien n’est toujours pas éliminé de la course aux séries. Il faut avoir une foi « démoniaque » pour encore y croire. Car si on estime à 94 points la récolte minimale pour accéder aux séries dans l’Est, ça oblige le Canadien à amasser 24 points sur les 28 disponibles dans le cadre de ses 14 rencontres encore au calendrier.
Ça veut donc dire qu’il ne peut perdre plus que deux fois en temps réglementaire simplement pour croire à ses chances.
Je vous laisse quelques secondes pour effectuer votre prédiction…