Lorsque le Canadien a effectué sa première escale de la saison à Boston, les choses n’allaient pas bien pour les Bruins. Battue 6-2 devant leurs partisans en lever de rideau de la saison, la troupe de Claude Julien était amputée de deux piliers à la ligne bleue en raison des blessures subies par Zdeno Chara et Dennis Seidenderg.
Ces deux absences mettaient davantage en évidence la brèche géante causée par la transaction qui a envoyé Dougie Hamilton aux Flames de Calgary en juin dernier. Avec une défensive aussi poreuse qu’anonyme, les Bruins n’avaient pu faire le poids contre Carey Price et le Canadien qui les avaient battus 4-2.
Il faut dire que le Canadien avait alors le vent en poupe comme la confirmé son début de saison historique alors que les Bruins l’avaient en proue. Après les Jets et le Canadien, le Lightning de Tampa Bay leur a d’ailleurs fait subir un troisième revers de suite (6-3) encore une fois devant des partisans médusés au TD Garden à Boston.
Il n’en fallait pas plus pour que le nom de Claude Julien se retrouve encore une fois en tête de liste des entraîneurs susceptibles d’être congédiés. Il faut dire que Julien est habitué. Sa situation semble précaire depuis que Cam Neeley a pris les rênes à titre de président de l’équipe en 2010.
Le congédiement l’été dernier du principal allié de Julien, l’ancien directeur général Peter Chiarelli qui est maintenant à Edmonton, n’a rien fait pour solidifier son statut à la barre des Bruins. D’autant que le nouveau directeur général Don Sweeney a apporté des changements importants au sein de la formation – en plus du départ de Hamilton, les Bruins ont échangé Milan Lucic aux Kings de Los Angeles – qui a greffé neuf nouveaux joueurs depuis le début de la saison, dont quatre recrues. Comme si ce n’était pas déjà suffisant, plusieurs collègues de Boston identifiaient déjà Bruce Cassidy – l’entraîneur-chef du club-école dans la Ligue américaine depuis quatre ans – comme le dauphin de Cam Neeley.
Dans un vestiaire rempli de nouveaux visages et au milieu de ce début de saison un brin croche, j’avais demandé à Patrice Bergeron de me dire quelle était la nouvelle identité des Bruins de Boston. Avec le calme qui le caractérise depuis qu’il a fait le saut de la LHJMQ à la LNH en 2003, le grand leader des Bruins avait semblé surpris par la question. « L’identité des Bruins cette année sera la même que celle de l’année dernière. Elle sera la même qu’elle a toujours été. Nous formons un club qui travaille, un club qui compte sur des gars impliqués en défensive. Un club qui sera toujours difficile à affronter et qui se battra chaque soir. Oui il y a plusieurs nouveaux visages, oui on a perdu des gars et on a des blessés importants, mais Claude (Julien) est là depuis longtemps. On sait ce qu’il attend de nous. Et il connaît les moyens à prendre pour obtenir ce qu’il veut », m’avait déclaré le Québécois qui vient d’atteindre la trentaine.
Pour être bien franc, je croyais que Patrice Bergeron m’avait offert une réponse de politicien. Une réponse polie comme il l’est toujours. Mais une réponse qui contournait les problèmes fondamentaux qui semblaient miner son équipe.
J’avais tort. Du moins en partie. Car après leurs trois défaites consécutives en début d’année, les Bruins ont ensuite gagné six de leurs sept parties suivantes. Et leur défaite, c’est en prolongation qu’ils l’ont subie aux mains des Flyers de Philadelphie.
Les Bruins avaient donc redressé la barre et calmé les ardeurs de tous ceux qui réclament la tête de Claude Julien depuis des années – il semble bien que son trophée Jack Adams en 2009, sa conquête de la coupe Stanley en 2011 et sa présence en grande finale en 2013 ne soient pas des bouées suffisantes pour lui éviter pareil traitement – avant d’encaisser deux revers de suite (5-3 contre Dallas et 4-1 jeudi dernier à Washington) plus tôt cette semaine. Une séquence qu’ils tenteront de freiner ce soir au Centre Bell.
Rôles inversés
Cela dit, je ne m’étais pas complètement trompé quant au changement d’identité des Bruins. Un changement peut-être plus associé aux nombreux nouveaux visages qu’à une nouvelle philosophie cela dit.
D’équipe qui mise d’abord sur la défensive avant de se porter en attaque, les Bruins sont tout à l’opposé après 12 rencontres. Menés par David Krejci (sept buts, 15 points), les Bruins affichent une moyenne de 3,6 buts enfilés par rencontre. Ils ne sont dominés que par le Canadien à ce chapitre dans la LNH. Avec une efficacité de 35 % (14 buts en 40 occasions) leur attaque massive est la meilleure de la Ligue. Et les Bruins n’ont pas gonflé cette statistique dans un ou deux matchs explosifs. Que non. Ils ont marqué au moins un but en supériorité numérique dans neuf de leurs 12 rencontres.
Inversement, la défensive est poreuse. Sans bon sens. Bien qu’ils accordent beaucoup moins de tirs à leurs adversaires que le Canadien (329 vs 436) les Bruins accordent en moyenne 3,3 buts par match alors que le Canadien se fait très pingre avec une moyenne de 1,8. Si leur attaque massive est la meilleure de la Ligue, ils forment le pire club du circuit en désavantage numérique avec une efficacité de 70,5 %. Un taux navrant en comparaison à celui (89,8 %) du Tricolore.
Rask méconnaissable
Le départ de Dougie Hamilton et les blessures de Chara – il n’a toutefois raté que les deux premiers matchs – et Seidenberg ont certainement contribué à cet affaissement de la défensive des Bruins. Mais après avoir soulevé le trophée Vézina remis au meilleur gardien de la LNH il y a deux ans, Tukka Rask n’est pas l’ombre du gardien qu’il peut être. Du gardien dont les Bruins ont besoin pour redevenir le solide club défensif qu’ils ont toujours formés.
En plus des cinq revers en temps réglementaire à son dossier (3-5-1), le gardien finlandais affiche une ronflante moyenne de 3,46 buts accordés par match. Sans surprise, son taux d’efficacité est quant à lui anémique à 87,9%.
En raison de ces statistiques inquiétantes, du fait qu’il a encaissé les deux derniers revers des Bruins et qu’il n’a gagné que trois de ses 20 matchs face au Canadien (3-14-3) on peut comprendre Claude Julien de miser sur Jonas Gustafsson ce soir au Centre Bell.
Le gardien suédois n’a pas la réputation de Rask. On en conviendra tous. Mais il présente un dossier à vie de 5-3-1 contre Montréal. Et comme il a gagné les trois matchs qu’il a amorcés, la décision devrait aller de soi. Ou presque. Claude Julien a refusé de confirmer l'identité de son gardien partant en matinée.
D’autant que les Bruins débarquent au Centre Bell avec un lourd bilan de six revers consécutifs aux mains du Canadien contre qui ils n’affichent qu’une victoire (1-9-2) lors des 12 derniers affrontements entre les deux équipes.
Si Gustavsson tentera de donner un nouveau souffle aux Bruins face au Canadien, ils devront se défendre sans les services de leur jeune mais extrêmement talentueux David Pastrnak – meilleur des Bruins lors du premier match contre le Canadien – qui n’est pas du voyage en raison d’une blessure à un pied. Après sa récolte de deux passes contre le Tricolore le 10 octobre dernier, la production de Pastrnak a toutefois chuté puisqu’il s’est ensuite contenté d’un but en huit matchs.