LONDON, Ontario – À pareille date l’an dernier, Vincent Dunn voulait être ailleurs.
L’idée d’aller à Rimouski ne l’avait jamais enchanté. Quand les Olympiques de Gatineau, l’équipe de sa ville natale, l’avaient échangé à l’Océanic au début de l’été, il avait eu l’impression qu’on l’envoyait à l’autre bout du monde. Et voilà qu’il était déjà de retour dans le Bas-St-Laurent, mi-septembre, même pas digne d’une invitation au camp d’entraînement des Sénateurs d’Ottawa.
C’était le début d’une éprouvante saison. Des gestes regrettables ont été posés, des relations ont été brisées, une réputation a été souillée.
Vous arrive-t-il d’avoir une mauvaise journée au bureau? De ne penser à rien d’autre que de rentrer à la maison?
« C’est la même chose au hockey », compare aujourd’hui Vincent Dunn. Sauf que pour lui, le malaise a duré un an.
Voici ce que vous savez déjà au sujet de Vincent Dunn. À sa dernière année junior, il a marqué 19 buts et amassé 32 points en 46 matchs. Il a été suspendu cinq fois pour des offenses qui lui ont fait rater un total de onze parties. Et il a été renvoyé à la maison juste avant le début des séries, son entraîneur Serge Beausoleil affirmant publiquement qu’il ne faisait plus partie des plans de l’équipe qui venait de terminer au premier rang du classement général de la LHJMQ.
Les détails de ce passage envenimé à Rimouski, qui marquait la fin d’une carrière junior tumultueuse, ne seront probablement jamais écrits. « C’est des affaires dont je ne veux pas parler avec tout le monde, tu sais? », fait poliment comprendre le jeune homme de 20 ans, qui a tout de même accepté de donner une partie de sa version des faits dans un récent entretien avec RDS.
Dunn, qui a grandi à Hull, habitait avec sa mère quand il jouait pour les Olympiques. Ça tombait bien, parce que le climat familial n’était pas idéal. Ses parents s’étaient séparés et il sentait que sa présence était nécessaire en cette période de turbulence.
« Quand je suis parti à Rimouski, je ne parlais pas à mon père. Il s’est passé des affaires qui ont fait en sorte que ça m’a fucké. Ma famille va mieux maintenant. Ma mère s’est mariée avec un nouveau gars, tout est beau. Mais quand je suis parti, ce n’était pas de même pantoute. »  
Pour citer Dunn, « c’est parti du mauvais pied » pour lui avec « l’équipe de toute une région ». Les fils se sont touchés dès le calendrier préparatoire, alors qu’il a reçu une suspension de deux matchs. Ce n’était pas la première fois, ni la dernière, que son dossier arrivait sur le bureau du préfet de discipline du circuit Courteau. En janvier, il a été mis à l’écart pour cinq parties pour un double-échec servi à la gorge d'un défenseur de l’Armada de Blainville-Boisbriand.
« Dans le junior, avec tout ce qui se passait avec les punitions, les arbitres, la Ligue... Je pense qu’il n’y a plus grand-monde qui voulait me voir là, conclut celui qui a passé 501 minutes au cachot en quatre saisons dans la LHJMQ. Tout le monde m’achalait, les refs étaient sur mon dos. J’avais mes torts, mais à un moment donné, ça devient fatigant. »
La direction de l’Océanic, qui était prête à assumer la part de risque qui venait avec l’acquisition d’un joueur aussi bouillant, en a finalement eu assez. Juste avant d’entreprendre le parcours qui allait mener son équipe à la conquête de la Coupe du Président, l’entraîneur Beausoleil a signifié à son joueur dissident qu’il ne ferait pas partie de l’aventure.
On n’y était pas, mais on imagine que ça ne s’est pas passé gaiement cette journée-là dans le bureau du coach.
« Oh non, je n’étais pas content. Je n’étais vraiment pas content », se contente de dire l’expulsé.  
« À moment donné, je n’aurai plus de chance »
Dunn est retourné à Gatineau coiffé du bonnet d’âne. Pendant que ses anciens coéquipiers jouaient pour un championnat, il s’entraînait avec les joueurs des Sénateurs, l’équipe qui l’avait repêché en cinquième ronde en 2013.
Et tranquillement, dit-il, les choses se sont replacées. Il a repris contact avec ses deux parents. Le psychologue qu’il a commencé à consulter l’a aidé à « régler ses affaires » et il a une énergie nouvelle à consacrer au hockey. Après six mois sans jouer, le goût de recommencer le démangeait.
« Le désir de jouer et de vouloir gagner avec les boys, c’est revenu, assurait-il après un match mouvementé au tournoi des recrues des Sénateurs. Peut-être que j’avais perdu ça, là-bas... »
La petite peste n’a pas trop changé. Au son du sifflet, il n’est jamais bien loin du trafic, prêt à mettre son grain de sel dans l’escarmouche. Il parle, il nargue, il frappe et connaît encore très bien le chemin qui mène au banc des pénalités.
« C’est pour ça qu’ils m’ont mis sous contrat aussi, se défend-il. Ils aiment mon style de jeu et ne veulent pas que je change ma manière de jouer. Sinon, pourquoi ils m’auraient repêché? »
Quand sa tête est à la bonne place, qu’il se consacre à l’ouvrage avec cœur, corps et esprit, Vincent Dunn demeure un joueur qui vaut l’investissement. Mais l’imprévisibilité de cette bombe à retardement viendra toujours semer le doute. L’équipe qui voudra profiter de ses atouts devra aussi vivre avec ses défauts.  
« Sur la glace, il y a des choses que j’ai faites dans le junior qui n’étaient pas correctes. J’en suis conscient. Dans le feu de l’action, il faut que je contrôle mes émotions. Encore ce soir, j’ai pris une mauvaise punition et je n’aurais pas dû. Je le réalise, mais il n’y a pas de bouton sur lequel on peut appuyer et qui règle tous les problèmes. Ce n’est pas comme ça que ça marche. »
Trois équipes ont abandonné sur son cas au niveau junior. Chez les pros, Dunn risque de ne pas s’attirer autant de clémence. « À un moment donné, c’est sûr, je n’aurai plus de chance », réalise-t-il.
Mais le Gatinois est prêt pour un nouveau départ. Le junior, c’est du passé. Ses larges épaules supportant le poids d’une réputation que seul le temps et l’effort pourront effacer, Vincent Dunn s’attaque à la prochaine étape de sa vie.   
« C’est une autre game, ici. J’ai hâte de rentrer là-dedans. »