TORONTO - Mike Babcock claironnera, vendredi matin, ses premières directives dans un petit aréna de Bedford en banlieue de Halifax où les Maple Leafs donneront le coup d’envoi à leur camp d’entraînement.
Mais avant même de s’être fait encourager, rappeler à l’ordre, d’avoir patiné au rythme de coups de sifflet saccadés poussés par l’entraîneur-chef qui a accepté le défi énorme de refaire des Leafs une équipe respectable dans la LNH avant d’en faire un club gagnant et peut-être même un jour, un club champion, les 73 joueurs invités au camp savent déjà que l’ère Babcock est commencée.
« Ça se sent », a admis candidement le vétéran-défenseur québécois Stéphane Robidas croisé en matinée jeudi au centre d’entraînement des Leafs.
À 38 ans, à l’aube de sa 19e saison dans les rangs professionnels, sa deuxième à Toronto, Robidas a été témoin de la descente en enfer des Leafs l’an dernier. Minée de l'intérieur par une indifférence généralisée des joueurs, par une cascade de problèmes sur et à l’extérieur de la patinoire qui ont mené aux congédiements d’un directeur général – Dave Nonis – de deux entraîneurs-chefs – Randy Carlyle et Peter Horachek qui l’a remplacé en cours de saison – de leurs adjoints sans oublier plusieurs dépisteurs amateurs et professionnels, Toronto a connu sa pire saison depuis 1996-1997 encaissant 44 revers et se contentant de 68 points.
« On n’a pas encore commencé le camp qu’on sent que les choses seront différentes cette année. C’est plus sérieux. C’est mieux organisé. Mieux structuré. Mike Babcock arrive ici avec la réputation qu’il a : c’est un gars intense. Un gars qui impose le respect. Un gars qui a gagné et qui entend prendre les moyens pour gagner encore. Et il n’arrive pas seul. Un homme de hockey comme Lou Lamoriello donne beaucoup de crédibilité à notre équipe. Son nom impose le respect. L’atmosphère est bien différente aujourd’hui qu’à la même date l’an dernier », assurait Robidas jeudi.
Professionnels sur et hors glace
Si l’ère Babcock commence, celle de Lou Lamoriello commence aussi. Lors d’une rencontre avec quelques vétérans mercredi, « Sweet Lou » a indiqué qu’il tenait à ce que les joueurs des Leafs s’affichent à titre de professionnels autant sur la patinoire qu’à l’extérieur du Air Canada Center. S’il laisse à son coach le souci du professionnalisme sur la patinoire, Lamoriello a un gros mot à dire sur celui qui prévaut hors glace. « Il nous a fait comprendre que si on se demande si nos cheveux sont trop longs, c’est qu’ils le sont. Que si notre barbe est mal taillée, c’est qu’elle l’est. Que si notre tenue vestimentaire soulève des doutes, c’est qu’elle n’est pas appropriée », a expliqué le gardien québécois Jonathan Bernier.
Avec ses allures de mannequin, Bernier n’a rien à craindre en matière de commentaires négatifs de son grand patron. De son côté, Pierre-Alexandre Parenteau a convenu s’être fait couper les cheveux de quelques centimètres dès mercredi afin d’être certain de ne pas avoir à subir les foudres de Lamoriello.
Même le talentueux Nazem Kadri, mêlé à plusieurs controverses dont l’une lui a valu une suspension de quelques jours, a assuré avoir compris le message associé aux arrivées de Lamoriello et Babcock.
« J’arrive au camp mieux préparé physiquement et mentalement. Je devrai afficher plus de maturité qu’à mes premières saisons et je me suis entraîné cinq jours semaine au cours de l’été. Parfois, je me suis même astreint à deux séances au cours d’une même journée. Je veux profiter des changements apportés pour relancer ma carrière », a indiqué le jeune attaquant de 24 ans qui amorce sa sixième saison dans les rangs professionnels, sa troisième exclusivement avec le grand club. En 73 matchs l’an dernier, Kadri s’est contenté de 18 buts et 39 points.
Réapprendre à jouer
Mike Babcock ne sait pas ce que l’avenir lui réserve. En fait non : s’il n’a aucune idée des résultats que sa nouvelle équipe obtiendra sur la patinoire, il sait une chose : cette équipe sera bien préparée et elle sera travaillante.
« Ce sont les deux seules choses que je peux vous assurer sans l’ombre d’un doute ce matin. Le reste, tout le reste, est en l’air. Il y a quatre ou cinq joueurs qui ont des places assurées sur mon tableau. Les autres auront la chance de se faire valoir au cours du camp. Ils me dicteront le déroulement des choses. Je ne les connais pas assez pour avoir des idées préconçues. Ce sera à eux de me donner une bonne idée de ce qu’ils peuvent donner à cette organisation. Je peux vous assurer d’une chose : on va commencer par remontrer à ce groupe à jouer au hockey. À bien jouer au hockey. On va établir des structures défensives. On va travailler. On va se battre tous les soirs. »
Très organisé, méticuleux dans sa préparation, Mike Babcock passe des heures interminables devant la télé pour visionner le travail de ses joueurs. L’analyser. Pour relever ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui doit être modifié pour obtenir des résultats probants. Il passe aussi un temps fou à jongler avec des combinaisons de trios offensifs, de duos de défenseurs.
Cet été, il n’a rien fait de tout ça. Le nouveau coach des Leafs s’est plutôt consacré à embaucher ses adjoints. À se créer un « entourage » qui saura l’appuyer dans la quête qui l’attend de faire des Leafs un club gagnant. Ses nouveaux adjoints sont Jim Hiller et D.J. Smith. « Des gars qui ne pensent pas comme moi. En fait, qui pensent souvent le contraire de ce que je pense. C’est exactement ce que je cherchais. Ils ont gagné partout où ils sont passés. Ils ont surtout profité du fait d’évoluer dans les rangs mineurs pour tenter des expériences. Secouer les habitudes. On ne le fait pas dans la LNH. Pas assez. J’entends profiter de leurs expériences et de celle d’Andrew Brewer – un jeune de 29 ans – qui s’arrangera pour que moi et mes adjoints gardions un contact étroit avec les joueurs. Il nous aidera à parler la langue des jeunes. À nous mieux faire comprendre », a expliqué Babcock.
Steve Brière est aussi le nouvel entraîneur des gardiens. Celui qui aura un contact quotidien avec Jonathan Bernier et James Reimer.
Pourquoi ne pas regarder les prouesses de ses nouveaux joueurs? Pour ne pas avoir multiplié les combinaisons sur son tableau?
« Parce que je n’aurais rien appris de les voir jouer le genre de hockey qu’ils jouaient l’an dernier. Quand je dis que je pars en neuf et qu’ils partent en neuf eux aussi c’est exactement ce que je veux dire. Je n’ai pas réponse à vos questions ce matin, ou très peu, parce que comme vous j’ai plus de questions que de réponses. Ces réponses viendront au cours des prochains jours. Des prochaines semaines. Les noms des gars, leur âge, ce qu’ils ont fait avant ne comptent pas. Ce qui comptera c’est ce qu’ils peuvent donner maintenant et pour la saison qui commence. Là, j’aurai des réponses à vous donner. »
Les affres de la défaite
Comme ses patrons Brendan Shanahan et Lou Lamoriello, Jacques Lemaire son conseiller spécial, et ses nouveaux adjoints, Mike Babcock est un gagnant. Mais voilà : il se retrouve à la tête d’un groupe de joueurs qui ont pris l’habitude de perdre au cours des dernières années. Vouloir ériger des structures solides est bien normal. Vouloir inculquer les valeurs de la préparation et du travail l’est tout autant. Mais si les Leafs encaissent plus de revers qu’ils ne remportent de victoires, la tâche de Mike Babcock sera d’autant plus difficile à accomplir.
Le nouveau coach des Leafs sait bien que le poids des défaites peut ralentir les ardeurs du meilleur joueur. Mais il ne craint pas la défaite outre mesure.
« Ce qui compte d’abord et avant tout c’est de redonner à ce groupe le goût de jouer au hockey. D’être fier de ce qu’il accomplit sur la glace. Du logo sur le chandail. De la ville. Des partisans. Si un jeune garçon voit un ballon en sortant dans la cour, qu’il le botte sur le mur et que le ballon se rend dans la rue, il va retourner dans la maison jouer au vidéo. Si le jeune botte le ballon, que le ballon lui revient et qu’il se met à avoir du plaisir à développer ses aptitudes, tu développes alors un joueur de soccer et tu as peut-être sous la main celui qui va marquer un jour le but gagnant en Coupe du monde. Commençons par retrouver le plaisir de jouer, de réapprendre à jouer, d’y mettre les efforts et de développer de bonnes structures et on verra bien où ça nous mènera », a conclu Mike Babcock.
Parce que les Blue Jays sont au plus fort de la course au championnat dans la Ligue américaine, Mike Babcock et ses nouveaux joueurs ont la chance de faire connaissance avec une attention moins portée sur leurs moindres faits et gestes.
Ça aidera. Car au-delà de toutes les qualités du nouvel état-major des Maple Leafs, cette équipe demeure un brin ou deux suspecte.
« On est meilleurs que bien du monde le croit. Il y a du talent dans ce vestiaire. Il y a de la vitesse, de l’expérience aussi. Et maintenant qu’il y a une volonté de gagner et une meilleure attitude qui vient d’en haut, on pourrait surprendre », a conclu à son tour Stéphane Robidas.