VICTORIAVILLE – « Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept... »
Confortablement installé à son bureau du Colisée Desjardins, Bruce Richardson jette un coup d’oeil sur le tableau accroché au mur situé à sa gauche et fait le décompte des joueurs dont il doit se priver.
« C’en est presque rendu ridicule, mais il n’y a personne qui va pleurer sur notre sort. De l’adversité, ça n’a jamais tué personne », se console l’entraîneur-chef des Tigres de Victoriaville, résigné à faire le maximum d’une situation qui perdure depuis trop longtemps déjà.
Mercredi soir à Drummondville, c’est sans sept de ses joueurs réguliers blessés ou suspendus que Richardson a vu sa troupe arracher un point aux Voltigeurs avant de s’incliner 4-3 en prolongation. Les attaquants Pascal Laberge, Carl Marois, Félix Lauzon, Gabriel Gagné, Jacob Lapierre, de même que le défenseur Nicolas Latulippe et le gardien James Povall manquaient alors tous à l’appel lors de ce plus récent chapitre de la rivalité de la 122.
« Depuis le début de la saison, je n’ai pas compté sur une formation complète une seule fois. Zéro! », insiste Richardson.
Le pilote des Tigres a notamment dû faire sans Gagné – un choix de deuxième tour des Sénateurs d’Ottawa en juin dernier et auteur de 35 buts l’an passé – pendant la majeure partie de la campagne en raison d’une blessure persistante à une cuisse.
Après un retour au jeu précipité qui n’a duré que quatre rencontres au début novembre et au cours duquel il a enfilé trois buts, Gagné a dû réintégrer l’infirmerie, toujours ennuyé par ce claquage subi au camp d’entraînement des Sénateurs.
Tour à tour, Lapierre, Marois, Laberge et compagnie sont ensuite ajoutés à la liste des éclopés au fil des matchs et des séances d’entraînement, ajoutant ainsi à la malchance qui semble coller à peau des Tigres et de Richardson cette année.
« Ils (la ligue) n’arrêteront pas la saison parce qu’il nous manque sept ou huit gars. »
Le club des Bois-Francs a donc procédé au rappel de trois joueurs affiliés aux rangs mineurs jeudi (Félix Meunier, Mikaël Imbeault et Jean Gleizes), à la veille du voyage de deux matchs qui les mènera d’abord à Chicoutimi vendredi et Baie-Comeau samedi.
« À long terme, ça peut être bénéfique de passer à travers tout ça, observe Richardson. Mais pour l’instant, ça offre une belle opportunité à plusieurs gars. »
Si certains joueurs réguliers ont su saisir cette « opportunité », d’autres se font toutefois toujours attendre.
« Nos leaders doivent nous en donner plus. Hier (mercredi), Tristan Pomerleau, notre capitaine, a joué en capitaine (deux buts), tout comme notre gardien (Olivier Tremblay). Mais on a besoin de plus, pas juste ces deux-là », décrie Richardson.
Répéter, répéter, répéter...
Malgré les blessures qui se succèdent depuis le jour 1 du calendrier régulier, les Tigres ont somme toute limité les dégâts, se forgeant un dossier de ,500 (12-12-2-2) qui leur vaut ce matin le 12e rang au classement général.
« Ce n’est pas comme si on venait de perdre nos 10 derniers matchs (3-5-1-1). [...] Je suis convaincu qu’on va s’en sortir. On est en train de se donner une identité et de se bâtir une culture », tempère Richardson.
Cela ne se fait cependant pas sans heurt pour l’entraîneur-chef, lui qui doit constamment ramener ses ouailles dans la bonne direction.
« Ce sont des joueurs de 16 à 20 ans et on sait que cette génération, l’adversité, elle ne connaît pas ça. Là, ils y font face et ils ne savent pas comment réagir ou s’en sortir », estime Richardson, avant d’approfondir sa pensée.
« Ils pensent parfois qu’être un leader et changer la game, ça se fait individuellement, mais ce n’est pas comme ça que ça marche. J’ai dû passer à travers beaucoup d’adversité au cours de ma carrière et quand les choses vont moins bien, il faut tout simplifier et revenir à la base. J’ai l’impression que présentement, on complique les choses alors qu’on tente de s’en sortir », analyse celui qui a roulé sa bosse dans les circuits mineurs nord-américains et en Europe avant d’amorcer sa carrière d’entraîneur.
Tant bien que mal, il tâche donc d’inverser la tendance
« Au niveau junior, tu répètes, tu répètes, tu répètes et tu répètes. Quand tu penses qu’ils ont compris, ils n’ont pas compris et tu te remets à répéter », se désole Richardson, qui en est à sa deuxième campagne derrière le banc des Tigres.
« C’est comme un gars alcoolique qui entre en cure de désintoxication. Il faut toujours l’avoir à l’œil et le motiver. Dans le junior, c’est la même chose. Il faut être capable en tant qu’entraîneur d’appuyer sur les bons boutons. Il y a par contre une limite à notre responsabilité. Il ne faut pas que le coach veuille plus que ses joueurs. [...] Je passe parfois plus de temps avec mes joueurs qu’avec mes propres enfants. Ils doivent aussi faire leur part », somme Richardson.
D’autant plus qu’un jour ou l’autre, les renforts finiront bien par rappliquer, signale-t-il.
« C’est ce qu’on leur rappelle. Tu as une opportunité, arrange-toi donc pour qu’au retour des blessés, tu ne sois pas celui qu’on va tasser. »