Après six revers de suite et 10 défaites à ses 11 derniers matchs, le Canadien avait besoin de gagner. Peu importe la façon. Peu importe l’adversaire. Peu importe le score final. Peu importe le fait que le Lightning ait disputé un match très ordinaire alors qu’il semblait vraiment prendre le Canadien à la légère.
C’est pour cette raison que Michel Therrien a accordé plus d’importance aux sourires accrochés aux visages de ses joueurs et à la musique qui résonnait dans le vestiaire de son club qu’aux trop nombreux revirements encore multipliés par son équipe, à la contribution offensive anémique de son premier trio et à l’avance perdue en troisième période alors que le Lightning a inscrit deux buts en 27 secondes pour prendre les devants 3-2.
Ces deux buts représentent à mes yeux le point tournant de la rencontre. Déjà très fragile sur le plan de la confiance, le Canadien aurait facilement pu s’effondrer après ces deux buts. Il aurait pu fermer les livres pour prolonger sa série noire de revers et sa glissade au classement. Avec les conséquences négatives qu’on connaît.
Secoués par leur directeur général qui a conclu une transaction mineure au cours de la pause de Noël – je vais revenir sur l’acquisition de Ben Scrivens plus bas –, mais surtout par le message que Marc Bergevin leur a livré en matinée dans le vestiaire, les joueurs ne se sont pas effondrés.
Ils ont plutôt trouvé une façon de niveler les chances, de résister aux assauts du Lightning en fin de rencontre, de survoler la prolongation pour ensuite l’emporter 4-3 en tirs de barrage.
Pacioretty se rachète... un peu
Si vous n’avez pas vu le match, vous croirez que le capitaine Max Pacioretty a disputé une grosse partie en constatant qu’il a marqué le but décisif en tirs de barrage et en récoltant une passe sur le but qui a permis au Tricolore de propulser la rencontre en prolongation.
Rien n’est plus faux.
Oui Pacioretty a marqué. Il a même marqué un très beau but. Personne ne lui enlèvera sa 14e mention d’aide de la saison non plus. Mais le capitaine a été affreux lundi soir à Tampa Bay. Non seulement il n’a rien généré en attaque, mais il semblait amorphe sur la glace. Désintéressé. À plat. Il s’est même rendu coupable de plusieurs revirements et d'autres bévues défensives.
Alors qu’on aurait compris Michel Therrien de le clouer au banc, Pacioretty a été utilisé à profusion. Il a même obtenu beaucoup de temps d’utilisation au cours de la prolongation alors qu’il a été bien plus une menace contre le Canadien que pour le Tricolore.
Pacioretty fonctionne souvent par séquences. Qu’elles soient positives ou négatives. Souhaitons au Canadien et à son capitaine que le but décisif marqué en tirs de barrage le propulsera vers une séquence positive. Car non seulement est-il anémique offensivement depuis quelques semaines, mais il était devenu une menace défensive.
Tomas Plekanec a lui aussi secoué sa guigne offensive en inscrivant le premier but de la rencontre. Non seulement c’était la première fois en sept matchs que le Canadien inscrivait le premier filet du match, mais ce but était le premier à forces égales de Plekanec en 32 parties. Vous avez bien lu. Plekanec n’avait pas marqué à 5 contre 5 depuis le 17 octobre dernier. Ses deux buts marqués lors des 31 dernières rencontres l’avaient été dans un filet désert et en avantage numérique.
Révision et appels des entraîneurs
Je trouve toujours que Dale Weise n’a pas sa place au sein d’un premier trio sur une base régulière, au même titre que David Desharnais, mais c’est Weise qui a ravivé les espoirs en inscrivant un but qu’il a longtemps été le seul à savoir qu’il avait marqué.
Campé tout juste devant la zone réservée au gardien, Weise a redirigé une passe de David Desharnais vers le filet. Ben Bishop a effectué un bel arrêt de la jambière gauche et le jeu s’est poursuivi. Lors de l’arrêt de jeu, on a vu l’ailier droit du Canadien interpeller un des arbitres afin de lui dire que la rondelle avait traversé la ligne rouge avant que Bishop de la repousse avec sa jambière.
Dans la salle de contrôle de Toronto, les responsables de la LNH qui révisent systématiquement tous les buts et les jeux serrés avaient déjà amorcé la vérification qui a permis de confirmer les prétentions de Weise.
C’est pour cette raison que lors de la révision initiale, les arbitres étaient simplement en contact avec le « war room»  de Toronto au lieu d’avoir en mains l’écran témoin qu’ils utilisent lors des appels logés par les entraîneurs.
Remarquez qu’ils en ont eu besoin aussitôt la confirmation du but qui ramenait les deux clubs à égalité 3-3. Car dès cette confirmation initiale dévoilée – une décision prise à Toronto avec l’aide des reprises disponibles –, Jon Cooper a logé un appel prétextant un impact entre Weise et le gardien Bishop quelques secondes avant que le but soit marqué.
L’entraîneur-chef du Lightning avait raison de souligner l’impact, car il y a bel et bien eu contact entre Bishop et l’attaquant du Canadien. Mais en analysant bien le jeu, les arbitres ont ensuite facilement été en mesure de remarquer que l’impact n’a pas eu de conséquences directes sur le but. Non seulement Bishop a eu suffisamment de temps pour se remettre de l’impact, mais il était évident qu’il avait perdu la rondelle des yeux, regardant au-dessus de son épaule droite alors que David Desharnais était à la gauche du but sur le point d’effectuer une passe vers Weise qui a aussitôt nivelé les chances.
Si la décision rendue après avoir déterminé que la rondelle avait ou non franchi la ligne rouge incombait aux responsables de la salle de contrôle à Toronto, celle associée à l’appel logé par Jon Cooper est venue des arbitres T.J. Luxmore et Brian Pochmara qui ont vu juste selon moi.
Les deux officiels ont rendu un verdict similaire plus tôt en troisième lorsque Michel Therrien a contesté le troisième but du Lightning en raison d’un contact entre Cédric Paquette et Mike Condon. S’il est clair que Paquette a touché au bâton du gardien du Canadien, il était aussi évident que Condon avait ensuite le temps de reprendre sa position. Ce qu’il n’a pas fait, ouvrant la porte au but de Ryan Callahan.
Scrivens à la rescousse
Si Max Pacioretty, Tomas Plekanec, Michel Therrien et le Canadien au grand complet ont accueilli la victoire de lundi avec un grand soulagement. Mike Condon avait toutes les raisons au monde d’être soulagé lui aussi.
Condon n’a pas été sensationnel lundi. Il a fait cadeau du premier but du Lightning et aurait pu effectuer l’arrêt sur le troisième. Mais Condon a aussi effectué beaucoup d’arrêts. Ses 36 arrêts représentent d’ailleurs un sommet personnel dans la LNH.
Au lieu d’afficher la technique solide sur laquelle il se fiait en début de saison, Condon a dû effectuer des plongeons à gauche et à droite pour réaliser quelques-uns de ces arrêts. Il s’est mis dans le trouble à quelques occasions en remettant la rondelle à l’ennemi avec des rebonds généreux et des passes plus généreuses encore. Mais il a stoppé les rondelles. Il a donné une chance à son équipe de gagner.
Un soulagement pour le gardien qui devra maintenant faire la lutte avec Ben Scrivens pour maintenir son poste avec le grand club.
Ben Scrivens débarque avec le Canadien dans le cadre de la transaction qui a permis à Marc Bergevin de se débarrasser de Zack Kassian.
Scrivens, qui a déjà connu de bons moments avec les Kings de Los Angeles, se cherche depuis quelques années. C’est dans la Ligue américaine que Marc Bergevin est allé le chercher alors qu’il était considéré comme le quatrième gardien de l’organisation des Oilers d’Edmonton. Une équipe qui n’est pas vraiment bien nantie en fait de gardiens.
Est-ce que Scrivens pourra relancer sa carrière avec le Canadien?
On le saura rapidement alors qu’il obtiendra un premier départ dès mardi face aux Panthers en Floride. Des Panthers qui ont gagné leurs six derniers matchs et sept de leurs huit (7-1-0) dernières parties.
Scrivens n’est pas une solution à long terme. Loin de là. Contrairement à une majorité d’entre vous, je ne crois pas que son arrivée cache le fait que Carey Price soit plus blessé qu’on le croit. Que son retour au jeu soit moins imminent qu’on le croit.
Si l’état de santé de Price était plus précaire qu’on le croit, si sa convalescence était moins positive qu’on le croit, ce n’est pas vers Ben Scrivens que le Canadien se serait tourné. Mais vers un gardien avec plus d’envergure, vers un gardien capable de passer devant Mike Condon au lieu de simplement lui servir d’adjoint occasionnel.
De fait, cette transaction prouve un peu plus encore le manque de confiance évident de l’état-major du Tricolore à l’endroit de Dustin Tokarski qui devient le cinquième gardien de l’organisation derrière Price, Condon, Scrivens et le jeune Fucale.
J’aurais préféré voir Marc Bergevin aller chercher du renfort à l’attaque au cours de la pause de Noël plutôt que d’aller chercher un autre adjoint pour l’adjoint. Mais Bergevin, c’est mon opinion, tenait d’abord et avant tout à se débarrasser de Kassian qui l’a fait très mal paraître en retombant à pied joint dans une consommation de substances illégales qui l’ont conduit en cure de désintoxication pour une deuxième fois en carrière. Si les Oilers d’Edmonton étaient prêts à offrir une troisième chance à Kassian, Bergevin n’allait certainement pas se montrer trop gourmand pour éviter de perdre cette occasion de leur refiler son problème. De fait, je trouve surprenant que les Oilers aient accepté de verser 24 % du salaire de Scrivens alors que c’est le Canadien qui me semblait le plus en demande dans ce dossier.
Marc Bergevin a assuré lundi à Tampa qu’il affichait encore une grande confiance en Michel Therrien et que les joueurs actuels étaient là pour rester. Que le retour du Canadien sur le chemin de la victoire et sa remontée au classement passait par son coach actuel et les joueurs en uniforme. Sans oublier Carey Price et Brendan Gallagher qui les endosseront une fois remis de leurs blessures.
Si je conviens que l’entraîneur-chef mérite pleinement le vote de confiance obtenu par Bergevin, il me semble encore évident que le directeur général doit trouver du renfort pour son attaque. Particulièrement sur le flanc droit. Plus facile à dire qu’à faire, c’est vrai. Mais ça deviendra nécessaire si le Canadien veut non seulement accéder aux séries, mais reprendre sa place parmi les clubs qui peuvent croire en leurs chances de se rendre loin en séries, voire jusqu’au bout.