TORONTO - Si l’on peut accoler les titres de bon, de brute et de truand à Nicklas Lidstrom, Chris Pronger et Phil Housley, quel titre devrait être associé à Sergeï Fedorov?
Ce n’est pas le choix qui manque. Patineur ultrarapide capable de manier la rondelle à pleine vitesse, une qualité réservée aux joueurs d’exception, Fedorov a toujours occupé une place de choix parmi les menaces offensives les plus redoutables du hockey.
« Il était le meilleur patineur de son époque, pas seulement le patineur le plus rapide. C’est le patineur le plus ‘fluide’ contre qui j’ai joué. Il était capable de changer de direction sans jamais perdre son rythme. C’était toujours un défi de tenter de le freiner », expliquait Chris Pronger en défilant les qualités associées aux quatre autres anciens joueurs qui franchiront les portes du Temple du hockey lundi en sa compagnie.
Le plus complet de l’histoire
L’héritage du hockey soviétique dans lequel il a grandi a toujours permis à Fedorov d’être aussi solide en défensive qu’à l’attaque. Pas surprenant qu’il ait obtenu les trophées Hart (joueur le plus utile) et Selke (meilleur attaquant défensif) en 1994 et qu’il ait terminé cette saison phénoménale au deuxième rang de la course au trophée Art Ross. Avec une récolte de 130 points, 10 de plus que Fedorov, Wayne Gretzky, alors avec les Kings de Los Angeles, avait alors remporté son 10e et dernier championnat des marqueurs dans la LNH.
Sergeï Fedorov a ensuite ajouté un autre trophée Frank Selke deux ans plus tard.
En raison de cette domination autant à l’attaque qu’en défensive qui l’a toujours caractérisé, le titre de joueur le plus polyvalent, de joueur le plus complet de l’histoire du hockey, pourrait très bien aller à Fedorov.
Cela dit, derrière son côté réservé, presque timide, Fedorov cachait une super-vedette. C’est d’ailleurs vers la vedette des Red Wings que la compagnie Nike s’est tournée pour faire la promotion de ses produits lorsque la multinationale de sport a décidé de prendre d’assaut la LNH. « Je me souviens encore aujourd’hui d’avoir été conquise par ses patins blancs », a d’ailleurs témoigné Angela Ruggiero lors de la rencontre entre les cinq anciens joueurs avec quelques centaines d’amateurs samedi après-midi au Temple de la renommée.
Bien qu’il n’ait jamais affiché l’exubérance d’Alexander Ovechkin qui vient de le rejoindre pour le plus grand nombre de buts (483) marqués par un Russe dans la LNH, Sergeï Fedorov était vraiment une super-vedette. Le titre d’étoile de la cuvée 2015 est donc très bien choisi pour souligner son entrée au Temple de la renommée.
En passant, Fedorov est un admirateur d’Alexander Ovechkin. D’ailleurs, la volonté de Fedorov pourrait très bien être respectée. « Les records sont faits pour être battus et celui du meilleur buteur de la LNH provenant de la Russie doit aller à Ovechkin. Il est le meilleur. J’ai marqué mes 483 en 1248 matchs. Il m’a rejoint - Ovechkin a réalisé l’exploit samedi dans le cadre de son 772e match dans la LNH - beaucoup plus rapidement. Tout ce que je souhaite, c’est qu’il n’abaisse pas mon record avant mardi. Les Capitals seront alors à Detroit où les Wings souligneront nos intronisations - Nicklas Lidstrom accompagne bien sûr Fedorov cette année - et ce serait bien que ça se fasse devant moi.
Défection aux Jeux de l’amitié
Sergeï Fedorov était une étoile du hockey bien avant qu’il le perce le Rideau de fer séparant les blocs de l’Est et de l’Ouest en 1990 lorsqu’il a profité d’une visite aux États-Unis pour faire défection.
Repêché un an plus tôt par les Red Wings qui avaient été conquis par ses prouesses au Championnat mondial de hockey junior - Fedorov et ses ailiers Pavel Bure et Alexander Mogilny avaient récolté 38 points en sept matchs lors du tournoi - Fedorov a profité des Jeux de l’amitié qui se tenait à Portland en Oregon à l’été 1990 pour demeurer en Amérique.
Fedorov a d’ailleurs raconté le déroulement de sa défection à un partisan des Wings qui lui a posé une question sur ce sujet samedi après-midi.
« J’avais déjà eu des contacts avec les Red Wings après mon repêchage, mais je voulais prendre mon temps », a d’abord raconté Fedorov qui tenait à compléter son service militaire pour éviter l’emprisonnement qui autrement l’aurait attendu après un éventuel retour en Russie.
« Une fois rendu aux Jeux de l’amitié, j’étais prêt. Après un match, nous sommes rentrés à l’hôtel. Je suis sorti le dernier de l’autobus avec un de mes coéquipiers à l’époque - Sergeï Tchekmarev a ensuite rejoint Federov à Detroit et il est toujours aujourd’hui le masseur des Red Wings - à qui j’ai annoncé que je partais. Je lui ai donné ce que j’avais d’argent en poche et je me suis rendu dans le lobby de l’hôtel. J’y ai rejoint Jim - Jim Lites était un dépisteur des Red Wings et aussi le gendre du propriétaire de l’équipe Mike Illitch à l’époque. Il est aujourd’hui président des Stars de Dallas - qui avait obtenu le mandat d’orchestrer le transfert. Il avait récupéré mes effets personnels pendant le match - Fedorov avait échappé volontairement sa clef dans le hall de l’hôtel en quittant pour l’aréna - et lisait comme prévu un journal quand je suis revenu. Je me suis rendu vers lui et j’ai dit : Let’s go Jim! On est sorti par une porte arrière. Une voiture nous attendait. On s’est rendu à l’aéroport et quatre heures plus tard, j’étais à Detroit », a raconté Fedorov qui avait effectué l’envolée dans le jet privé du propriétaire des Wings.
Années de gloire
Sergei Fedorov a connu les années de gloire du hockey soviétique alors qu’il défendait les couleurs de l’Armée rouge malgré son jeune âge, la redoutable équipe dirigée par Viktor Tikhonov, le général du hockey soviétique dont le petit fils qui porte d’ailleurs son nom évolue aujourd’hui avec les Blackhawks de Chicago.
Sa contribution aux succès des Wings, lui a ensuite permis de connaître le retour des années de gloire du hockey à Detroit où la coupe Stanley a défilé entourée de Fedorov et ses coéquipiers à trois reprises en 97, 98 et 2002.
« Les Red Wings ont été des précurseurs dans la LNH. Les succès que nous avons obtenus au fil de ma carrière à Detroit sont étroitement liés au fait que la direction a su faire appel aux joueurs russes et européens en plus de s’assurer de toujours avoir un bon équilibre entre les joueurs de talent, les joueurs de soutien, entre les gars d’expérience et des plus jeunes capables de les remplacer un jour », a analysé Fedorov.
Bien qu’un partisan ait salué Fedorov en l’auréolant du titre de premier joueur de l’histoire des Blue Jackets de Columbus à faire son entrée au Temple de la renommée, il est impossible de prétendre que Fedorov a complété sa carrière dans la LNH en pleine gloire. Que ce soit à Anaheim où il s’est retrouvé en 2003 après 13 saisons à Detroit, Columbus ou Washington où Fedorov a complété sa carrière dans la LNH en 2009, avant de rentrer dans sa Russie natale où il a poursuivi sa carrière jusqu’en 2012 dans la KHL.
Malgré sa défection effectuée en 1990, Fedorov occupe une place de choix dans le hockey russe. Il est directeur général du club de l’armée rouge (CSKA) l’un des quatre clubs de la KHL dans la région de Moscou avec le Dynamo, le Spartak et le Vityaz.