BROSSARD – Sur les murs du complexe d’entraînement du Canadien, quelques photos ont disparu. Déjà, celle de Pierre-Alexandre Parenteau, dont le contrat a été racheté à la fin juin, n’y est plus. Aucune trace non plus du portrait de Brandon Prust, quelques jours seulement après la transaction qui l’a envoyé aux Canucks de Vancouver.
Les visages d’une poignée d’autres vétérans ont été décrochés et n’ont pas encore été remplacés. Rien ne presse, évidemment, mais pour certains, il n’est jamais trop tôt pour spéculer. Et nous voici donc, au beau milieu de l’été, à nous demander qui saura gagner sa place sur ce rang d’élus.
« Il y a quelques joueurs qu’on a repêchés qui possèdent un certain flair offensif et c’est à souhaiter que l’un de ces gars-là saura se démarquer et mériter un poste au sein de notre équipe », projetait jeudi dernier le directeur général Marc Bergevin.
Aussitôt, ses propos ont été associés au nom de Nikita Scherbak, son choix de première il y a un an. Le jeune ailier russe est de retour au camp de perfectionnement de l’équipe cette semaine avec son sourire contagieux et la même innocence juvénile qui lui avait automatiquement attiré la sympathie de ses nouveaux partisans.
Mais Scherbak sent qu’il y a un monde de différence entre l’adolescent impressionné qu’il était l’été dernier et le joueur plus mature qui est de retour à l’ombre des gratte-ciel de la métropole.
« Je suis un peu plus vieux et je ne ressens pas autant de pression. L’an passé, je me souviens d’avoir sauté sur la glace et mes mains tremblaient! J’étais vraiment nerveux. Tous ces gens qui me regardaient pour un simple entraînement, ça ne m’était jamais arrivé avant. Mais cette année, je suis beaucoup plus à l’aise. »
Pour un temps encore, Scherbak peut se permettre de se la jouer un peu plus relax. Son avenir ne se jouera pas au cours des prochains jours. À moins d’un pépin, il sera l’un des joueurs dominants du contingent de 43 patineurs, un amalgame d’espoirs et de joueurs invités, qui peaufineront leur jeu jusqu’à jeudi sur la Rive-Sud de Montréal. La pression, il commencera à la ressentir au mois de septembre, quand les hommes rentreront au bercail. C’est là qu’on verra réellement s’il est prêt à faire le grand saut dans la Ligue nationale.
« Je vais faire de mon mieux pour gagner une place au sein de l’équipe. Je vais me présenter au camp d’entraînement et je faire de mon mieux, partout où je vais aller, pour montrer que je peux jouer dans la LNH », a sobrement affirmé, dans un anglais amélioré, le plus bel espoir offensif du Tricolore dimanche.
Scherbak fêtera ses 20 ans entre Noël et le jour de l’An. Les joueurs qui ont percé l’alignement du Canadien à un âge si précoce sont rares, mais le Moscovite ne se formalise pas de ce qu’on peut lire sur son certificat de naissance.
« Ce n’est pas un problème. Tout le monde a déjà été jeune, non? », a-t-il lancé à la blague, provoquant un éclat de rire immédiat chez ses interlocuteurs. « C’est un bon feeling d’être jeune quand tout le monte autour de soi est vieux. Je me sens bien dans ces circonstances. »
Scherbak a donc hâte de passer aux choses sérieuses. À moins que Bergevin ne sorte un gros lapin de son chapeau au cours des prochaines semaines, une intéressante compétition pour un poste d’attaquant se profile en marge de la prochaine saison.
« Je sens que je m’améliore quand je suis entouré de vétérans. L’année dernière, j’avais appris énormément au principal camp d’entraînement. Quand j’étais retourné dans le junior, je savais des trucs que personne ne connaissait et ça m’a beaucoup aidé », se souvenait Scherbak avec un œil sur l’avenir.
Plus complet, plus gros
Sur papier, la progression récente de Scherbak n’apparaît pas spectaculaire.
Après une saison de 78 points en 65 matchs avec la médiocre équipe des Blades de Saskatoon à sa première saison en Amérique du Nord, l’ailier de 6 pieds 2 pouces a été échangé aux Silvertips d’Everett, qui se bâtissaient un club qui allait terminer en tête de la division américaine de la Ligue junior de l’Ouest. Dans l’État de Washington, la nouvelle arme offensive de la troupe dirigée par Kevin Constantine a récolté 82 points.
« Mon jeu est en mutation, justifie-t-il. À ma première année, je dirais que je jouais presque uniquement d’un côté de la patinoire. La saison dernière, j’essayais aussi d’aider mon équipe au niveau défensif, en bloquant des lancers ou en effectuant les petits jeux simples. Les chiffres, ça n’a pas d’importance pour moi. Ce que je vise, c’est de m’améliorer pour atteindre le niveau supérieur. »
Pour l’ajout de cordes à son arc, Scherbak se dit reconnaissant de l’encadrement que lui a fourni son entraîneur, un pilote d’expérience bien connu pour ses années passées à la barre des Sharks de San Jose, des Penguins de Pittsburgh et des Devils du New Jersey. Au cours des huit saisons qu’il a passées dans la Ligue nationale, Constantine n’était pas reconnu pour privilégier la méthode douce et à entendre son talentueux élève, ses techniques d’enseignement ne se sont pas adoucies avec le temps.
« Quand je revenais au banc, il criait souvent après moi. Il me disait par exemple que mes présences étaient trop longues. Mais j’aimais ça! Il était dur avec moi, mais je crois que ça m’a aidé à devenir un meilleur joueur », relate le rapide patineur aux mains agiles.
Scherbak a aussi pris du coffre depuis son dernier passage à Montréal. Répertorié à 175 livres par la Centrale de recrutement de la LNH dans l’année précédant sa sélection au repêchage, il en pèse maintenant 204 selon les données officielles fournies par le Canadien. Ce n’est pas sans fierté qu’il clame aujourd’hui avoir ajouté 25 livres à sa charpente au cours de la dernière année.
« Et j’ai bien l’intention de continuer à grossir! », se lance-t-il comme défi personnel. L’an dernier, c’est comme si j’étais encore un enfant. Maintenant, je me sens plus gros, plus fort. C’est sûr que ça m’aide. »
Pour l'instant, Scherbak ne peut que pavoiser. Cette semaine, tous ces muscles bien en évidence ne lui seront pas d’une grande utilité. À l’automne, par contre, ils pourraient lui donner fière allure sur les murs du complexe d’entraînement du grand club.