Jon Cooper est un entraîneur-chef brillant. Brillant dans l’élaboration et la gestion de ses plans de match, dans le contrôle qu’il affiche au chapitre des relations avec ses joueurs sans oublier celles avec les médias qu’il gave de réponses aussi intéressantes que réfléchies.
L’entraîneur-chef du Lightning a toutefois commis une petite imprudence dimanche. Une petite imprudence qui pourrait prendre beaucoup d’ampleur mardi soir alors que son équipe affrontera Carey Price et le Canadien dans le cadre de la sixième partie d’une série qui se prolonge plus longtemps que le Lightning et ses fans ne l’anticipaient. Une imprudence qui pourrait devenir le point tournant de la série si jamais le Canadien gagne encore mardi et complète sa remontée en éliminant Tampa jeudi pour passer en finale d’association.
Qu’est-ce que Cooper a fait de si grave ?
Au lendemain de la deuxième défaite de son équipe aux mains du Canadien, il a mentionné que Carey Price affiche des statistiques ordinaires face à son club cette saison.
À la base, cette déclaration est fondée. Carey Price a accordé 29 buts au Lightning en 10 matchs si on ajoute aux cinq de la saison régulière, les cinq des séries éliminatoires. Bien qu’il ait limité le Lightning à un petit but dans la victoire de 2-1 de samedi et qu’il n’ait pas accordé plus de deux buts dans quatre des cinq matchs depuis le début de la série, Price affiche aussi une efficacité de 89,7 % (114 arrêts sur 127 tirs) depuis le début du duel Montréal-Tampa en deuxième ronde. Cette efficacité était de 90,6 % en saison régulière.
On conviendra donc avec Jon Cooper que ces statistiques ne sont pas à l’image du Carey Price qui a signé 44 victoires cette saison. Du gardien qui mettra sans l’ombre d’un doute la main sur les trophées Hart et Vézina en guise de récompenses aux 110 points qu’il a permis au Canadien d’amasser pour terminer en tête de la division atlantique.
C’est justement pour cette raison que Jon Cooper aurait dû éviter d’en parler.
Même s’il a volé un but à Valtteri Filppula avec un arrêt magistral de la mitaine et qu’il a joué de chance lorsque Brenden Morrow a tiré sur sa jambière droite au lieu de le faire dans le fond du filet, Carey Price n’a pas encore volé de match pour le Canadien en deuxième ronde. Il n’a pas signé de victoire à lui seul comme il l’a fait à Ottawa lors du sixième match pour éliminer les Sénateurs en première ronde.
On sait tous que Carey Price pourrait réaliser un vol du genre aux dépens du Lightning que ce soit mardi à Tampa ou jeudi au Centre Bell. Pourquoi alors Jon Cooper lui donne un facteur de motivation supplémentaire pour l’inciter à réaliser un vol du genre – et pourquoi pas deux – aux dépens de son équipe ?
Au lendemain de sa déclaration un brin surprenante et deux brins imprudentes, Jon Cooper s’est repris. En fait non, il a atténué cette déclaration en la nuançant avec doigté.
«Carey Price est un excellent gardien et nous avons obtenu de très bonnes occasions de marquer depuis le début de la série à ses dépens. Mais lors des deux derniers matchs, nous n’avons pas généré suffisamment de bonnes occasions de marquer. Il faudra en générer davantage si on veut mettre les chances de notre côté.»
Voilà qui est mieux !
Mais je regardais Carey Price être plus canardé de questions après l’entraînement du Canadien lundi qu’il l’a été de tirs de qualité du Lightning depuis deux matchs et je me disais que Tampa sera vraiment dans le trouble si le gardien du Canadien repousse les tirs du Lightning avec le même aplomb qu’il affichait devant les journalistes. Si Carey Price se met à multiplier les arrêts et les miracles de son cru.
Alors que ses coéquipiers affichent des signes évidents d’un plaisir d’être encore en séries combiné à une nervosité normale d’être toujours confronté à l’élimination, Price reste de marbre.
Il a certainement du plaisir. Je n’en doute pas une seconde. Et il doit bien y avoir une forme de stress qui le tenaille quelque part sous son équipement. Je n’en doute pas non plus. Mais si c’est le cas, on ne peut en déceler la moindre trace.
«De tous les joueurs avec qui j’ai évolué depuis le début de ma carrière, je n’ai jamais vu un gars aussi calme que Carey», a d’ailleurs fait remarquer Pierre-Alexandre Parenteau.
Ce calme est l’arme de prédilection du Canadien dans sa quête de prolonger à trois sa série de victoires consécutives aux dépens du Lightning. Dans sa quête d’en ajouter une quatrième jeudi.
Car avec un gardien aussi en contrôle derrière eux, un gardien sur qui ils savent qu’ils peuvent compter, un gardien à qui ils ont des dettes à rembourser, les joueurs du Canadien jouent moins nerveusement que la situation précaire dans laquelle ils se trouvent pourrait les inciter à jouer.
Et c’est important.
Car aussi bon soit-il, et nous savons tous à quel point il est bon, Carey Price a besoin d’un club confiant devant lui. Un club qui joue bien. Un club qui l’appuie. C’est exactement ce qui se passe dans cette série. Malgré la première défaite en deuxième prolongation, la dégelée du deuxième match et le but marqué avec un peu plus d’une seconde dans la troisième rencontre qui a lancé le Lightning en avant 3-0, Carey Price n’a rien perdu de son calme. Et l’équipe qui jouait déjà bien devant lui, joue mieux encore. Ce qui est de très bon augure pour le Tricolore à l’aube d’un troisième match sans lendemain pour lui s’il le perd. Ce qui l’est moins pour le Lightning.
Et ça, c’était avant la déclaration de Jon Cooper qui pourrait motiver davantage Carey Price. Comme s’il en avait besoin…