Qui sont les vrais patrons au niveau du vestiaire du Canadien? La réponse est fort simple : ce sont les joueurs.
Les joueurs qui font fonctionner l'équipe au rythme de leur combativité ou de leur complaisance. Les joueurs qui sont inattaquables parce que l'entraîneur ne peut jamais s'offrir le loisir d'une sévère critique à leur endroit. Les joueurs qu'on n'ose même pas identifier dans les points de presse de peur de les offusquer. Les joueurs qui peuvent lever le pied et provoquer la chute de l'entraîneur dès qu'ils sont fatigués d'entendre son message.
C'est tellement vrai qu'ils sont les vrais boss de la chambre que Michel Therrien ne peut même pas être l'entraîneur qu'il aimerait être. Le tempérament de Therrien n'a pas beaucoup changé au fil des ans. Il s'est juste assagi après avoir payé le prix pour avoir parlé trop fort à l'occasion de son premier stage derrière le banc du Canadien.
Il est toujours le même homme bouillant qui aurait parfois le goût de donner un solide coup de poing sur la table ou de faire virevolter une poubelle d'un énergique coup de pied. Certains soirs, il se contient d'une façon qui ne trompe personne. On l'entend souffler dans le microphone en réfléchissant à la question qui lui est posée. Il pompe l'huile. Il ravale. Et quand il s'aventure à dire quelque chose, la banalité qui sort de sa bouche n'est jamais matière à manchette. Puis, il tourne les talons et quitte les lieux en donnant l'impression d'avoir survécu à une torture de trois minutes.
Les commentateurs résument souvent sa prestation en disant simplement : « Ce soir, le coach est fâché ». Mais Therrien ne sera jamais assez furieux pour identifier ceux qui viennent de se traîner les pieds. Pourquoi? Pour sauver son job. Pour éviter que les joueurs se rebiffent et lui en fassent payer le prix. Pour ne pas se retrouver au chômage sans avoir la plus petite assurance qu'une autre organisation voudra de lui.
Dans l'horrible mois de décembre traversé par l'équipe, je peux vous assurer d'une chose. Les entraîneurs ont travaillé pas mal plus fort que tous leurs joueurs réunis. Therrien et ses adjoints ont passé un temps fou à chercher des solutions, à préparer des plans de match, à concocter des trios susceptibles de relancer la machine. Ils étaient au boulot tôt le matin jusqu'à tard le soir, sur la route comme à la maison. Ils peuvent essayer de tout prévoir, mais le bon vouloir des joueurs n'est pas leur responsabilité.
Après une séance d'entraînement pas très éreintante, les joueurs ont la journée devant eux pour planifier leurs activités extérieures. Même si on ne peut pas dire cela de tous les joueurs, n'allez pas croire que le party d'Alex Galchenyuk et de Devante Smith-Pelly est un écart de conduite isolé. Il ne faudrait pas être naïfs quand même.
Chez Galchenyuk, on a appelé la police à la même heure que Zack Kassian est entré dans un arbre en octobre dernier. Au lever du jour. Plus tard, Christian Thomas, une recrue plutôt ordinaire, a commis l'imprudence de faire la fête avec Nathan Beaulieu. Et c'est sans compter toutes les sauteries de riches célibataires qui échappent à l'attention du public.
Personnellement, les soirées bien arrosées des athlètes ne me dérangent pas. Ils sont jeunes et jouissent d'une popularité dont ils profitent largement. Ce qui me dérange et ce qui dérange également ceux qui les dirigent, c'est leur manque de respect envers une organisation qui les traite royalement et envers le chandail prestigieux qu'ils portent. Même si Galchenyuk n'est accusé de rien, ce qui s'est passé chez lui a été suffisamment dérangeant pour qu'on appelle le 911 et pour qu'une enquête de police s'avère nécessaire. L'organisation a été encore une fois inutilement entachée.
Il est où le prétendu caractère de l'équipe?
On dira tout ce qu'on voudra, mais cette formation n'a pas autant de caractère qu'on tente de nous le faire croire. De tout temps, les grandes équipes ont été capables de remporter leur large part de victoires pendant l'absence d'un joueur étoile.
Depuis plusieurs semaines, la majorité des joueurs semblent incapables d'un effort soutenu pour compenser la perte de Carey Price. Pis encore, ils jouent moins bien que lorsque Price leur sauvait les fesses grâce à son immense talent. Ce qui se passe à Montréal est devenu une évidence aux yeux des autres organisations de la ligue. Sans Price, toutes les équipes croient toutes en leurs chances de battre le Canadien. C'est Price qui rendait le Canadien intimidant. Pas sûr qu'on voue le même respect à l'équipe actuelle.
Pas moins de sept attaquants ont marqué un ou deux buts chacun en plus de 20 matchs. Tomas Plekanec, qui est de toutes les supériorités numériques, en a obtenu un seul en 27 parties. David Desharnais, à qui on pouvait difficilement arracher la rondelle au début de la saison, s'est contenté de deux buts à ses 24 derniers matchs. Lars Eller, qui n'a aucune idée de ce qui se passe sur la glace, a marqué un but en 24 parties.
Tomas Fleischmann, qui est un élément secondaire, dans le sens où on ne comptait pas sur lui pour faire une très grande différence cette saison, produisait au même rythme que Desharnais, Plekanec et Eller quand on l'a retranché de la formation pour passer un message, la semaine derrière. Un bien petit message qui n'a fait peur à personne. Ce n'est pas le genre de décision qui peut déranger un vestiaire. Un pétard mouillé en pleine tempête.
Bien sûr que Marc Bergevin est passé à côté de son mandat en ne fournissant pas à son entraîneur l'aide anticipée, mais l'absence d'un seul joueur, aussi talentueux soit-il, ne peut pas tout expliquer, surtout quand son remplaçant, Mike Condon, représente la plus belle surprise de la saison. Quant à Michel Therrien, il n'est pas différent de l'entraîneur qu'il était en octobre et en novembre.
Therrien ne peut pas être tenu responsable de la chute du Canadien. Il est juste un entraîneur qui met tout en oeuvre pour atteindre la rive dans une chaloupe sans rames. Les rames, c'est l'affaire de Marc Bergevin. Jusqu'ici on l'a laissé ramer sans trop lui offrir de secours.