LONDON, Ontario – L’incertitude, la nervosité et les fluctuations d’émotions qui accompagnent l’urgence de faire ses preuves dans un camp professionnel, Jean-Sébastien Dea connaît ça.
Il y a deux ans, après une saison de 85 points avec les Huskies de Rouyn-Noranda, Dea avait été ignoré au repêchage de la Ligue nationale, mais avait reçu un prix de consolation appréciable : une invitation au camp de développement du Canadien de Montréal.
« On m’avait dit qu’on allait me rappeler… », racontait le jeune homme originaire de La Prairie, sur la Rive-Sud de la métropole, lorsqu’une poignée de journalistes québécois sont allés à sa rencontre sous les gradins du Budweiser Garden de London le week-end dernier.
Mais le Canadien n’avait jamais donné de nouvelles et deux semaines plus tard, Dea avait accepté une invitation similaire des Penguins de Pittsburgh. L’expérience avait été concluante et s’était prolongée jusqu’au camp des recrues de l’équipe à la fin de l’été.
« J’ai été le seul, parmi les neuf joueurs invités, à signer un contrat », se remémore l’attaquant aujourd’hui âgé de 21 ans qui, après avoir conclu son stage junior avec une saison de 49 buts, a bouclé l’année dernière sa première campagne dans le réseau de filiale des Penguins.
Une déception peut receler d’insoupçonnables avantages dans le monde cruel du sport professionnel, Dea ne l’a pas oublié. C’est pourquoi aujourd’hui, alors qu’il continue de pourchasser lui-même d’ambitieux objectifs, il s’assure de donner au suivant en prenant sous son aile les jeunes – ils étaient cinq issus de la LHJMQ en fin de semaine au tournoi des recrues auquel prenait par son équipe – qui suivent ses traces.
« Avec (Mickaël) Beauregard, j’ai pris l’initiative de le demander comme cochambreur. Je me suis dit qu’il serait plus à l’aise avec moi à l’hôtel, offrait-il en guise d’exemple. Je pense que ça rapporte un peu sur la glace, il a marqué un but aujourd’hui! »
« Il fait vraiment du bon travail pour moi », approuvait Beauregard, un grand défenseur pour qui le temps est venu de faire le saut chez les pros après quatre saisons dans l’uniforme des Olympiques de Gatineau. « On est les deux seuls Québécois, alors il m’aide beaucoup. Si j’ai des questions, peu importe lesquelles, c’est toujours à lui que je les pose. Je profite vraiment de son expérience. »
Les efforts de Dea pour faciliter la vie de ses coéquipiers ne sont pas passés inaperçus aux yeux de Mike Sullivan, le nouvel entraîneur des Penguins de Wilkes-Barre, qui ne connaissait rien de son nouveau joueur avant de l’accueillir au camp de développement cet été.
« Il est la définition d’un bon coéquipier et c’est exactement le genre de joueur que nous voulons dans notre organisation, a vanté l’ancien entraîneur-chef des Bruins de Boston. Ce genre de personnalité, ce sens du dévouement dans l’ombre, permet à tout le monde autour de lui de s’améliorer. »
L’assurance d’un vétéran
Il n’y a pas qu’à l’extérieur de la glace que Dea s’est comporté comme un vétéran aguerri pendant les trois jours d’une compétition qui regroupait également les joueurs les plus prometteurs du Canadien, des Sénateurs et des Maple Leafs. Utilisé comme pivot d’un premier trio en compagnie, notamment, du choix de deuxième ronde Daniel Sprong, il a laissé l’impression de posséder une bonne longueur d’avance sur le reste du groupe.
C’est donc sans surprise que son nom apparaissait sur la liste officielle des 53 joueurs invités au camp principal des Penguins mardi.
« L’an passé, j’ai eu une bonne saison en général. Je me suis dit, en arrivant ici, qu’il y avait de la place à Pittsburgh. Je me sers surtout de ce tournoi pour arriver en confiance au gros camp et je pense que je suis en train de montrer que je peux peut-être causer des surprises. Je suis vraiment content de mes performances jusqu’à maintenant », exposait Dea après son deuxième match du week-end.
« Il a été très solide, corroborait Sullivan. C’est un bon fabricant de jeu, il voit très bien la glace et possède un instinct offensif certain. Il y a des facettes de son jeu où on croit pouvoir l’aider. On aimerait qu’il soit plus fort sur les mises en jeu et lorsqu’il joue profondément dans son territoire. Il y a du travail à faire de ce côté, mais ses atouts sont très excitants. »
La profondeur des Penguins au centre aurait de quoi intimider n’importe qui ambitionnant de faire sa place à cette position – surtout un jeunot qui a dû être rétrogradé dans la Ligue de la Côte Est pour retrouver sa confiance la saison précédente. En plus des indélogeables Sidney Crosby et Evgeni Malkin, les Pens ont fait l’acquisition au cours de l’été de Nick Bonino, Eric Fehr et Matt Cullen.
« Ce n’est pas évident, mais il y a quelques places. Ça peut aussi être à l’aile, je vais être prêt à jouer à n’importe quelle position », ajuste Dea, qui rit de bon cœur quand on lui fait remarquer que les Penguins auront peut-être besoin de main-d’œuvre bon marché pour pouvoir supporter le poids de lourds contrats.
« Je ne leur coûte pas cher, ils vont pouvoir m’appeler! »
Des liens forts avec Rouyn
Dea sait que la tâche à laquelle il s’attaque est gigantesque, mais il a déjà croisé sur son parcours des comparses inspirants qui lui permettent de croire en ses chances.
Lorsqu’il a connu son explosion offensive à sa deuxième saison avec les Huskies, Dea faisait la pluie et le beau temps avec un certain Sven Andrighetto, que le Canadien a repêché en troisième ronde quelques mois après qu’il eut célébré son 20e anniversaire de naissance. Les deux amis ont aussi évolué avec Nikita Kucherov, qui est passé brièvement mais avec distinction en Abitibi avant de défoncer les portes du hockey professionnel.
Andrighetto a disputé ses douze premiers matchs dans la Ligue nationale la saison dernière tandis que Kucherov, membre de l’un des trios les plus explosifs de la LNH, est passé à deux victoires de soulever la coupe Stanley avec le Lightning de Tampa Bay.
« C’est sûr que j’ai suivi ça pas mal! Je suis super content pour lui. Même Sven, je l’ai suivi beaucoup avec le Canadien et je suis encore en contact avec lui. Je l’ai vu quelques fois à Montréal cet été. C’est le fun de dire que j’ai joué avec ces deux joueurs. Je pense que les deux vont avoir du succès dans la LNH », prédit Dea, qui souhaite être le prochain de la lignée à goûter aux ligues majeures.
Dans les coulisses du Budweiser Garden, Dea entretenait aussi l’espoir de croiser André Tourigny, son ancien entraîneur junior qui est aujourd’hui à l’emploi des Sénateurs. « Je vais essayer d’aller lui jaser un peu, juste pour savoir ce qu’il a pensé de mes matchs », affirmait-il avec un sourire espiègle.
Si Dea a été en mesure d’impressionner Mike Sullivan en fin de semaine, il est persuadé que c’est d’abord parce qu’il a retenu les leçons qu’a tenu à lui inculquer Tourigny à l’adolescence.
« On avait eu une bonne discussion à ma première année et je pense que c’est grâce à lui si je suis ici aujourd’hui. Il m’a aidé à me transformer en tant que joueur. Avant, je bougeais moins mes pieds, j’étais moins intense. Là, j’essaie d’améliorer ça et je pense que ça m’aide dans mes matchs. Je suis plus présent, je gagne plus de batailles. Je pense que je lui en dois un gros morceau. »