mardi 14 février 2017

Bergevin, Therrien et la croisée des chemins

http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/philippe-cantin/

Publié le 14 février 2017 à 05h00 | Mis à jour à 05h00

PHILIPPE CANTIN
La Presse
Cette fois, Marc Bergevin et Michel Therrien ne peuvent plus blâmer P.K. Subban, un bouc émissaire si commode. Ni l'absence de Carey Price, dont la blessure a maquillé trop de lacunes la saison dernière.
Non, cette fois, Bergevin et Therrien sont sur la sellette. À eux de relancer cette équipe qui s'enlise chaque jour davantage. Et pour cela, ils doivent jeter un regard lucide sur l'état des choses : le vent ne tournera pas comme par magie.
Malgré son respect et son affection pour Therrien, le DG doit évaluer si son entraîneur-chef est toujours l'homme de la situation. Le congédier au moment où son équipe occupe toujours le premier rang de sa division serait un choix émotivement douloureux, on en convient tous. Sauf que la glissade actuelle du CH rappelle peu à peu celle de l'an dernier, que Therrien a été incapable de stopper. Bergevin le croit-il capable de faire mieux cette fois-ci? Et si oui, pourquoi?
Le DG, qui est sûrement étonné du dérapage des derniers jours, doit répondre à cette question fondamentale : le message de Therrien porte-t-il toujours dans le vestiaire? Chose certaine, ses joueurs n'ont pas semblé super déterminés lors des matchs contre St. Louis et Boston, le week- end dernier. Rien dans leur attitude n'a indiqué un sentiment d'urgence. C'est mauvais signe.
Bloc-photo. Philippe Cantin. Ph: Alain Roberge. 2012... (La Voix de l'Est)
Bloc-photo. Philippe Cantin. Ph: Alain Roberge. 2012
LA VOIX DE L'EST
Malgré l'opinion de ses détracteurs, Michel Therrien demeure un solide entraîneur. Mais peut-il vraiment demeurer derrière le banc de la même équipe cinq saisons ou plus? Ses joueurs ont-ils encore du plaisir à évoluer sous ses ordres?Après le revers contre les Bruins dimanche, Carey Price a dit que le Canadien n'affichait plus son «identité» habituelle. La responsabilité de maintenir des habitudes gagnantes incombe à l'entraîneur. Lorsque le leader du club évoque des lacunes sur ce plan, c'est forcément significatif. Therrien aurait avantage à s'entretenir avec lui pour approfondir le sujet. Car pour relancer le CH, il a besoin de l'appui entier de son gardien.
Si le dérapage du CH se poursuit après le congé de cette semaine, Therrien ne sera pas seul à mal paraître. Bergevin aussi. Cette équipe, après tout, porte comme jamais son empreinte, et il a sa part de responsabilités.
Afin de relancer le Canadien après la catastrophique dernière saison, le DG a effectué plusieurs changements. Dans son esprit, il a remis à son coach un club plus dynamique et mieux préparé à affronter l'adversité. Voilà pourquoi il risque d'être moins patient envers Therrien. Tous les entraîneurs le savent : mettre leur patron dans l'embarras n'est jamais la meilleure idée pour sécuriser leur poste.
Pour stimuler l'attaque et rafraîchir l'ambiance, Therrien rêve sûrement d'une transaction majeure. Mais ses attentes sont mieux d'être modestes. Le Canadien ne possède pas les actifs pour faire une transaction significative sans du même coup s'affaiblir. Le club-école ne regorge pas d'espoirs de premier plan. Et des jeunes comme Nathan Beaulieu et Michael McCarron, même s'ils sont des choix de premier tour, n'ont pas assez augmenté leur valeur.
Tout cela pose un réel problème : le Canadien est-il en train de passer à côté de sa «fenêtre d'opportunité», cette période de deux ou trois saisons où les astres pouvaient potentiellement s'aligner pour en faire un prétendant sérieux à la Coupe Stanley?
Bergevin a toujours soutenu qu'avec Price devant le filet, le Canadien pouvait aborder les éliminatoires avec confiance. Cette théorie est séduisante : une fois en séries, tout devient possible. Mais encore faut-il que Price joue comme il en est capable. Et que l'attaque ne repose pas sur un seul trio.
Les problèmes du Canadien sont nombreux. Même sur le plan du caractère, où l'arrivée de Shea Weber et d'Andrew Shaw devait mettre un terme aux ennuis rencontrés la saison dernière, le bilan n'est pas convaincant. Le grand défenseur a connu un fort début de saison, mais il ne fait plus la différence depuis plusieurs rencontres. Quant à Shaw, difficile de trouver un autre joueur si peu discipliné sur la patinoire. Il en a donné la preuve dès le premier match pré-saison, et le problème n'est toujours pas réglé.
***
Pour l'instant, Bergevin peut encore espérer que la pause de quatre jours permette aux joueurs de se détendre et de prendre du recul. Et qu'elle soit suivie d'un fort rebond, qui allègerait la pression sur l'entraîneur.
De son côté, Therrien ne doit pas se laisser distraire par toutes les discussions concernant son avenir, un rude défi. Et il aurait avantage à préparer un bon speech pour les retrouvailles avec ses joueurs à l'entraînement de vendredi. Ils doivent saisir cette occasion de nouveau départ.
En revanche, si l'attaque manque toujours de mordant dans les deux ou trois premiers matchs suivant le retour au travail, et si Price ne retrouve pas ses repères, Bergevin n'aura pas le choix : il devra procéder à un changement derrière le banc avant que la saison ne prenne définitivement une tournure pour le pire.
Ce serait injuste pour le coach, à qui Bergevin a confié une équipe avec des lacunes importantes, mais c'est la dure loi du sport professionnel. Le Canadien ne peut connaître une deuxième dégringolade en deux ans. Sinon, même Geoff Molson, qui a toujours soutenu Bergevin et Therrien, perdra une partie de son flegme. Le CH est une équipe riche, certes. Mais le propriétaire souhaite de longs parcours éliminatoires. Cela rend les fans heureux, tout comme les comptables de l'équipe.
Le CH, ne nous le cachons pas, est à la croisée des chemins. En avril dernier, ses dirigeants nous ont juré avoir beaucoup appris de la pénible saison 2015-2016. S'ils sont de nouveau incapables de stopper l'hémorragie, la crédibilité de l'organisation en subira les contrecoups.