MONTRÉAL – Ce n’est pas tous les jours qu’un hockeyeur natif de Winnipeg quitte l’Amérique du Nord pour aller s’établir aussi loin qu’à Astana. Oui, Astana, la capitale du Kazakhstan, ce pays aux influences multiples situé dans une enclave entre la Russie et la Chine.
C’est pourtant le chemin qu’a choisi Nigel Dawes pour poursuivre sa carrière professionnelle dans la KHL dans l’uniforme du Barys d’Astana. Au moment de partir pour cette aventure audacieuse, il se souvient très bien que lui et sa femme croyaient que ce projet allait durer, au maximum, une ou deux années.
Cette scène se passait en 2011.
Cinq ans plus tard, Dawes n’a pas déménagé. Bien au contraire, il s’illustre année après année dans le circuit d’adoption de plusieurs athlètes nord-américains au point où il se situe au deuxième rang des buteurs devant les Alexander Radulov, Ilya Kovalchuk et compagnie.
Le patineur de 30 ans revient même d’une deuxième participation consécutive à l’enflammé Match des étoiles qui s’est terminé par le pointage de 28 à 23. Dawes n’aurait jamais élaboré un tel scénario au moment de quitter l’organisation du Canadien de Montréal avec lequel il a joué quatre petits matchs.
« Pour être honnête, c’est assez fou de penser à ça. Le temps passe vraiment vite. Chaque année, on s’habitue de plus en plus et on devient plus confortable », a exprimé Dawes dans un entretien avec le RDS.ca.
Puisqu’il dispose de deux autres années à son contrat, Dawes ne semble pas sur le point d’explorer une nouvelle avenue européenne. À vrai dire, il se sent plus que confortable dans la cité à l’architecture épatante qui accueillera l’Exposition internationale en 2017.
« C’est bizarre parce que c’est définitivement l’endroit où j’ai passé le plus de temps dans ma carrière. Depuis que j’ai 16 ans, j’ai seulement passé mes étés à Winnipeg. Chaque fois que je reviens, j’ai l’impression de rentrer à la maison. Je n’aurais jamais pensé que ce serait possible quand je suis arrivé ici! », a admis le sympathique choix de cinquième ronde des Rangers en 2003.
Dawes est tout de même un peu perdu quand il débarque de l’avion étant donné la fulgurante croissance d’Astana qui est devenue la capitale du pays à la fin des années 1990.Le Central Concert Hall à Astana
« La nouvelle partie de la ville est âgée de seulement 25 ans environ, ils sont encore en train de la bâtir. C’est une très belle ville lumineuse avec de grands efforts sur l’architecture. Ils développent toujours de nouveaux projets et la construction d’édifices se poursuit à un rythme assez rapide. Quand je pars pour l’été, beaucoup de choses ont changé à mon retour. Je suis chanceux d’avoir abouti dans l’une des meilleures villes de la KHL. »
« On peut y voir quelques édifices avec un côté entier qui est un écran, on parle de 30-40 étages de hauteur. Ce n’est pas évident à décrire, les gens n’y croient pas vraiment. Il y a aussi des édifices penchés, courbés et étranges », a-t-il décrit.
Dawes ne cache pas que le salaire fort intéressant que son statut de joueur d’élite lui permet de toucher est ce qui l’a incité à franchir tous ces kilomètres. Par contre, une vision uniquement de mercenaire mène souvent à un échec.
« On a définitivement la chance d’être bien payé, mais ce n’est pas si facile, j’ai eu besoin de près d’un an pour m’habituer à cette nouvelle réalité. Ça peut devenir épuisant mentalement et physiquement. Mais, quand tu finis par saisir le tout, tu parviens à t’adapter », a exposé celui qui a porté les couleurs des Rangers, des Coyotes, des Flames, des Thrashers et du Canadien dans la LNH.
« J’ai des amis qui sont venus et qui n’ont pas tellement aimé l’expérience. Disons qu’ils n’ont pas autant de belles histoires à raconter si je peux dire. Il y a beaucoup d’emplois ici, mais je ne peux pas dire que c’est fait pour tout le monde. C’est une mentalité très différente et ça peut être difficile de s’y faire », a reconnu le gaucher qui n’a pas encore assez assimilé la langue russe à son goût (le kazakh est également parlé par plus de 60 % de la population).
Avec les histoires d’horreur vécues en KHL qui ont eu des échos jusque sur le continent nord-américain, personne ne peut nier que cette ligue comporte quelques remous à l’image la mer Caspienne qui borde le Kazakhstan.
Le Barys Arena« Même quand j’étais dans la LNH, ça m’arrivait de ne pas aimer certaines choses et je jouais dans la meilleure ligue au monde. Il y a toujours des choses à critiquer, rien n’est parfait et c’est normal. Dans mon cas, j’ai eu la chance que ça fonctionne et nous sommes heureux. L’organisation est bonne pour nous et on joue maintenant dans un nouvel aréna », a soupesé l’auteur de 84 points en 212 parties régulières dans la LNH.
Le Barys Arena (photo), ce domicile au goût du jour auquel Dawes fait référence, était, disons-le, plus que bienvenu. L’ancien petit amphithéâtre du club n’avait pas la meilleure réputation et Dawes aime bien en rire aujourd’hui.
« C’était clairement l’un des pires arénas de la KHL, mais quand tu as joué dans un endroit pendant quatre ans, tu finis par t’habituer et tu es content de jouer à la maison peu importe les conditions. »
« Mais parmi les anecdotes amusantes, je me souviens que certaines équipes venaient jouer avec de nouveaux joueurs d’Amérique du Nord et ils avaient un choc. Beaucoup de gens fument ici et quand c’est très froid à l’extérieur, ils vont seulement fumer sur le bord de la porte. En fin de compte, une grande partie de la fumée de cigarette revient dans l’aréna et ça devient difficile de respirer pendant les premières minutes au retour de l’entracte. Les joueurs venaient me demander comment je faisais pour respirer ici! », a-t-il raconté en riant.
Ses souvenirs dans la LNH, mais ses patins en KHL
Il faut croire que l’air respiré par Dawes ne l’a pas empêché de trouver un deuxième souffle à sa carrière. Depuis qu’il a joint les rangs du Barys, il a amassé 219 points (123 buts, 96 aides) en 267 matchs. D’un côté, un tel rendement lui permet d’oublier la LNH, mais de l’autre, il pourrait également se dire qu’une dernière chance ne serait pas tirée par les cheveux.
« À ce point de ma carrière, je ne me vois pas revenir. Je crois que je me suis bien adapté parce que j’étais en paix avec la possibilité de ne plus jouer dans la LNH. Ça me permettait de m’investir entièrement dans le projet de m’établir dans la KHL. Plusieurs joueurs viennent ici, mais ils ont un pied à l’extérieur et ils ont dans leur tête de retourner dans la LNH. Ça fonctionne pour certains, mais c’est plus difficile », a relevé Dawes qui a l’énorme privilège de jouer depuis quatre ans sur le même trio avec Dustin Boyd et Brandon Bochenski.
Dawes peut avoir toute sa tête au Kazakhstan, il devrait obtenir sa nationalité dans un an ce qui lui accordera le privilège de représenter sa nation d’adoption lors de compétitions internationales.
« Je pourrais participer aux Championnats mondiaux même si ce n’est pas ainsi que je l’avais envisagé. Je pourrais aussi essayer d’aider le pays à se qualifier pour les Jeux olympiques, ce serait vraiment intéressant », a noté l’athlète de cinq pieds neuf pouces.
Quant à la LNH, il pourra plonger dans ses meilleurs souvenirs si le besoin se fait sentir.
« Je ne vais jamais oublier ma première partie surtout que c’était au Madison Square Garden contre Washington. Je pense aussi à une poussée en séries jusqu’en deuxième ronde avec les Rangers (2007-2008). C’était vraiment génial, je me sentais vivre mon rêve d’enfance pour soulever la coupe Stanley », a énuméré Dawes.
« J’aurais aimé jouer plus longtemps, mais ce n’est pas tout le monde qui peut se rendre à plus de 500 matchs. J’ai été privilégié d’y accéder, mais j’étais un peu blasé de faire la navette avec la Ligue américaine donc j’ai décidé de tenter l’expérience outre-mer », a jugé Dawes qui retire une fierté d’avoir confondu les sceptiques qui s’arrêtaient à sa petite stature.
Ce n’est pas parce que son expérience dans l’organisation du Canadien s’est limitée à 4 matchs (et 39 avec les Bulldogs de Hamilton) qu’il ne conserve pas quelques histoires à raconter.
« À mon tout premier match, je n’avais pas beaucoup joué et la partie s’était conclue en tirs de barrage. J’avais été désigné comme le premier tireur. Je peux dire que la majorité des partisans et des joueurs se demandaient ce qui se passait, mais Perry Pearn, qui était l’adjoint de Jacques Martin, m’avait côtoyé dans les mêmes fonctions pendant quelques années à New York où on me faisait souvent confiance pour ça. J’avais une bonne idée de ce que je pouvais faire et j’avais marqué (contre Dwayne Roloson). C’était pas mal cool! », s’est souvenu Dawes qui a même adoré son temps à Hamilton qui s’est conclu en finale d’association.
Ce récit, il pourra bientôt le souffler à l’oreille d’une personne bien précieuse.
« On attend la naissance de notre premier enfant en mars et on lui fera une belle maison ici. On apprécie notre temps à Astana, on s’est créé une belle vie et on a rencontré plusieurs personnes », a conclu Dawes qui n’avait jamais pensé qu’il partirait assez longtemps au Kazakhstan pour revenir avec un enfant.