mardi 7 février 2017

Le congédiement de Claude Julien : la fin d'un calvaire

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Il y a des congédiements injustes, mais nécessaires qui entraînent des résultats positifs : l’exemple de Doug Weight qui a su relancer les Islanders (6-1-2) depuis qu’il est venu en relève à Jack Capuano en est un.
Il y a des congédiements injustes, mais aussi injustifiés qui ne donnent rien, ou pas grand-chose : pensons à Tom Rowe qui a remplacé Gerard Gallant à la barre des Panthers de la Floride, à Randy Cunneyworth qui a remplacé Jacques Martin à la barre du Canadien il y a quelques années.
Comment qualifier le congédiement de Claude Julien, qui s’est fait mettre à la porte par les Bruins de Boston mardi matin? Un mot me vient en tête : soulagement!

La fin d'une époque à Boston


Pas question de prétendre que Claude Julien est heureux d’avoir perdu son travail et d’encaisser le reste de son salaire (2,5 millions $) en jouant avec ses enfants qu’il pourra enfin voir grandir. D’avoir surtout perdu le défi de faire gagner son équipe et de la guider vers des séries éliminatoires qu’elle a ratées au cours des deux dernières saisons.
Comme tous les coachs de la LNH, comme tous les coachs tout court, Claude Julien carbure aux défis, aux victoires, à la compétition. Ça lui manquera c’est sûr. Remarquez que ça ne lui manquera pas longtemps, car des offres d’emploi lui seront acheminées rapidement. Et elles seront nombreuses.
Mais depuis le temps que ses jours étaient comptés à Boston, depuis le temps que des rumeurs – souvent associées à des fuites venant de membres de l’état-major – le chassaient de son petit bureau situé tout juste à droite en entrant dans le vestiaire des Bruins j’ai l’impression que Julien pourra éponger sa déception avec le soulagement d’être enfin libéré de ce calvaire.
Contesté depuis 2011
À sa 10e saison derrière le banc des Bruins, Claude Julien surfait sur la plus longue séquence active des coachs de la LNH.
Malgré sa coupe Stanley soulevée en 2011, malgré ses deux présences en grande finale, malgré le championnat de la saison régulière en 2014, malgré son trophée Jack Adams (2009) malgré sa fiche impressionnante de 419 victoires, 246 revers et 94 défaites en prolongation ou tirs de barrage, Claude Julien était continuellement remis en question.
Et pas seulement au cours des trois dernières saisons alors que les Bruins ont raté les séries il y a deux ans en perdant le dernier match de la saison régulière, pas juste l’an dernier lorsqu’ils ont terminé à deux points de la deuxième équipe repêchée dans l’Est, pas juste cette année non plus alors que les Bruins (26-23-6) et leur nouvel entraîneur-chef Bruce Cassidy ont un point de retard – mais plusieurs matchs de plus de joués que les équipes qui les devancent et celles qui les suivent – sur les Flyers de Philadelphie et la huitième place donnant accès aux séries.
Claude Julien était dans le trouble, dans le gros trouble, il y a longtemps déjà. Au printemps 2011, après avoir perdu les deux premiers matchs de la série opposant les Bruins au Canadien, Julien était sur la potence. Une élimination dès la première ronde et Cam Neely le lynchait publiquement devant le Garden.
Julien et les Bruins ont effacé le déficit de 0-2 pour ensuite battre le Canadien et se rendre à la coupe Stanley. Un ralliement et une conquête qui ont forcé Cam Neely à demeurer dans son bureau et sur la galerie de presse au lieu de venir déambuler dans le vestiaire de «son» équipe alors qu’il accordait autant d’entrevues que « ses » joueurs.
Non seulement Neely s’est fait plus discret après cette conquête, mais il s’était rangé derrière son coach qui a pu connaître une ou deux saisons assez calmes derrière le banc et dans les médias.
Mais parce que Boston est une ville gâtée pourrie en fait de succès sur la scène sportive et aussi, et surtout, parce que Cam Neely ne cachait pas que Julien n’était pas son homme – lire entre les lignes qu’il ne pouvait lui dicter sa marche à suivre – il fallait s’attendre que le naturel revienne un jour au galop. C’est ce qui est arrivé. Et ça ne date pas d’hier. De cette saison, de celle de l’an dernier ou de l’autre d’avant.
En raison de son expérience, de sa compétence, de sa réputation, de sa feuille de route, du respect que lui vouaient – et vouent sans doute encore – ses joueurs, en raison surtout de sa feuille de route, Claude Julien a toujours pu échapper aux rumeurs de congédiement dont il était l’objet.
Le 20 janvier dernier, des rumeurs persistantes indiquaient que Julien avait été informé de son congédiement avant même le duel opposant les Bruins aux Blackhawks qui faisaient escale à Boston. Le fait que les Hawks aient blanchi les Bruins 1-0 avait fait passer ces rumeurs de tempête.
« Si je suis congédié, tu me l’apprends », m’avait répondu Claude Julien par le biais d’un échange de courriels après la rencontre.
Mais Julien savait que c’était possible. Que son congédiement était même probable; que ce soit à la fin de la présente saison, ou même avant la fin du calendrier.
La réponse est tombée mardi.
L’après Lucic et Hamilton
Les Bruins ont-ils raison de congédier Claude Julien?
Après avoir laissé entendre aussi souvent et aussi longtemps qu’ils voulaient effectuer un changement derrière le banc que ce soit pour obtenir une nouvelle voix ou pour mettre en place une marionnette, la réponse est oui.
Et c’est Claude Julien qui risque d’en sortir gagnant.
Car maintenant qu’ils ont en place un coach qui les écoutera au lieu d’imposer ses plans et sa vision comme le faisait un gars de l’expérience et du talent de Claude Julien, le président Cam Neely et son directeur général Don Sweeney devront assumer les conséquences des décisions discutables prises au cours des dernières saisons.
Les Bruins ont largué Milan Lucic et Doug Hamilton en 2015 pour faire le plein de choix au repêchage et du défenseur Colin Miller qui est l’un des deux joueurs sur les sept acquis par les Bruins à avoir endossé l’uniforme depuis ces transactions qui ont marqué le repêchage il y a près de trois ans.
Miller a disputé 81 matchs avec les Bruins. Il est bon, mais on est loin de Hamilton. Sean Kuraly – acquis des Sharks de San Jose à qui les Bruins ont refilé le gardien Martin Jones après l’avoir acquis des Kings en retour de Milan Lucic – a disputé cinq matchs en novembre dernier.
Les autres choix acquis par les Bruins, Jakub Zboril (Sea Dogs LHJMQ), Trent Frederic (Wisconsin), Zachary Senyschyn (Sault Ste-Marie, OHL), Jakob Forsbacka-Karlsson (Boston U) et Jérémy Lauzon (Rouyn-Noranda LHJMQ) connaissent du succès dans leur ligue respective.
Mais ils n’ont pas aidé Claude Julien à remplacer Lucic et Hamilton.
Pas plus que ne l’a fait le premier choix des Bruins (leur choix) en 2015 Jake DeBrusk qui évolue à Providence avec le club-école.
Ajoutez à tout ça le fait que Patrice Bergeron connaît une saison difficile alors qu’il semble miné par une ou des blessures, que Zdeno Chara a vieilli, que Tuukka Rask, comme Carey Price, ne peut pas multiplier les miracles et sauver son équipe tous les soirs sans oublier qu’il n’a pas d’adjoint fiable vers qui se tourner, et vous avez une liste très longue de prises qui étaient loin de faciliter le travail de Claude Julien.
Il ne faudrait pas minimiser non plus le fait que plusieurs adjoints de Claude Julien ont levé les feutres au cours des dernières années pour être remplacés par des hommes de la haute-direction, à commencer par Bruce Cassidy qui lui succède ce matin et vous avez un cocktail toxique.
Vegas, Floride, Winnipeg?
Maintenant qu’il est libre, la question n’est pas est-ce que Claude Julien trouvera un nouvel emploi, mais bien quand? Et où travaillera-t-il?
Il aura le choix.
Gerard Gallant, congédié en début de saison en Floride est lui aussi un candidat de premier plan. Il a maintenant de la compétition.
Les Golden Knights de Las Vegas sont sans doute très heureux de pouvoir ajouter le nom de Julien à la liste des entraîneurs susceptibles de les aider à réussir leur entrée dans la LNH.
Parce que les Panthers pourraient difficilement reprendre Gallant, Claude Julien devrait être dès cet instant leur candidat numéro un pour relancer cette belle équipe dès l’an prochain.
Les Islanders feront-ils confiance à Doug Weight au-delà l’intérim qui lui a été confié? Peut-être. Il faudrait d’abord savoir si le job à temps plus que plein intéresse vraiment Weight.
Sinon, Julien serait un très bon choix.
Et il y a les clubs qui n’ont pas encore congédié leur coach et qui pourraient être intéressés maintenant qu’un gars comme julien est disponible.
Les Jets de Winnipeg sont la première équipe qui me vient en tête. Des informations obtenues ce matin me laissent toutefois entendre que Paul Maurice, malgré la saison un brin ou deux décevante, est solidement en poste. Il est aimé par la haute direction. On verra.
On peut donc se tourner vers Dallas où Lindy Ruff est certainement moins solidement installé et aussi Detroit où Jeff Blashill peine à faire oublier Mike Babcock. Remarquez que c’est un défi pratiquement impossible à relever.
Mais si les Wings ratent les séries pour la première fois après une séquence de 25 présences consécutives, Blashill pourrait être remplacé et avoir ainsi servi de tampon entre l’ère Babcock et l’ère de celui qui reprendra la série de participations aux séries.
Et il y a Tampa Bay?
Jon Cooper pourra-t-il échapper aux conséquences de la saison actuelle? Je veux bien croire que le Lightning est privé de Steven Stamkos. Mais voilà : Cooper a justement bâti sa réputation solide en trouvant une façon de faire gagner les « Bolts » sans leur as marqueur et capitaine qui doit compter parmi les joueurs les plus malchanceux de la LNH sur le plan des blessures.
Je ne dis pas qu’il est sur la corde raide. Pas du tout.
Mais parce que Julien est aujourd’hui disponible, peut-être que son statut est un brin ou deux plus incertain qu’il ne l’était hier. Peut-être trois...
On verra.


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