Au camp d'entraînement, on s'attendait à ce que le Canadien offre à ses partisans l'une des saisons les plus agréables depuis sa coupe Stanley de 1993.
Tout roulait comme sur des roulettes. Une seule organisation de la Ligue nationale avait connu une saison supérieure à celle du Canadien l'an dernier. Carey Price, en devenant seulement le deuxième joueur après Mario Lemieux à récolter quatre trophées en saison régulière, rendait tous les objectifs réalisables. L'équipe avait l'un des joueurs les plus excitants de la ligue dans son camp, P.K. Subban. Andreï Markov était encore le général à la ligne bleue. On attendait de grandes choses de Jeff Petry. On croyait qu'Alex Galchenyuk allait enfin éclore à sa quatrième saison et les joueurs s'étaient donné un capitaine populaire, Max Pacioretty, qui allait assurément les faire patiner dans son sillon.
De tous ces facteurs extrêmement positifs, seul Subban s'est montré à la hauteur de son mandat. Ce ne fut pas toujours parfait dans son cas, mais n'a-t-il pas ravi à Pacioretty le premier rang des marqueurs de l'équipe? N'a-t-il pas été l'unique représentant du Tricolore au Match des étoiles?
Malgré tout, il y avait un hic en septembre dernier. Le Canadien accusait d'importantes lacunes à l'attaque. Une vingtaine d'équipes avaient marqué plus de buts que la troupe de Michel Therrien la saison dernière. Malheureusement, Marc Bergevin a cru qu'Alexander Semin et Zack Kassian pourraient régler une partie cette carence. Ce fut une erreur, même si c'est plus facile à dire aujourd'hui qu'à l'heure de ces acquisitions. On peut toutefois rappeler que très peu de gens n'étaient vraiment pas emballés de voir arriver un gros gaillard indiscipliné au passé tourmenté et un Russe traînant une réputation de paresseux.
Or, pourquoi Kassian et Semin sont-ils devenus des membres du Canadien à la surprise générale? Pour la même raison qui a empêché Bergevin d'offrir de l'aide à son entraîneur depuis le désastre de décembre et encore plus durant la longue pause de six jours dont l'ensemble de la ligue vient de profiter. Le directeur général est resté fidèle à sa ligne de pensée. En refusant de céder un espoir, un choix de repêchage et encore moins un élément appartenant au noyau de l'équipe, il accepte de jouer et peut-être de mourir avec sa façon de faire.
Le match de mardi soir devait nous en dire beaucoup sur les chances de l'équipe de participer aux séries. Une victoire aurait pu enfin générer un brin d'espoir dans le vestiaire. Elle aurait contribué à changer l'ambiance dans le groupe. Malheureusement, entreprendre un match avec la conviction qu'on peut le gagner est une attitude que les joueurs ont totalement chassé de leur esprit, semble-t-il. Encore une fois, on n'a pas senti qu'ils y croyaient.
Si les chances du Canadien d'entrer en séries sont maintenant quasi inexistantes (parce que les probabilités mathématiques sont très minces), n'allez pas croire que les joueurs ne voient pas les choses de la même façon.
Parce que ça paraît bien d'avoir toutes les réponses avec des caméras dans la face, les joueurs vous diront avec un semblant de conviction qu'ils croient fermement en leurs chances de participer aux séries, mais demandez-leur de parier leur maison là-dessus, juste pour voir.
À Philadelphie, le Canadien a perdu contre une équipe qui pouvait être battue. Les Flyers utilisaient un gardien blessé qu'on a été forcé d'envoyer dans la mêlée parce que l'autre gardien était blessé plus sérieusement encore. Cessons de dire soir après soir que le Canadien fournit un bel effort. Steve Mason, qui semblait avoir de la difficulté à pivoter, n'a pas été assailli pour la peine.
C'est plein d'attaquants qui sont au neutre chez le Canadien. Dans un match crucial qui pouvait relancer la deuxième demie de la saison sur une bonne note, ils n'ont pas produit le moindre but.
On n'a pas tout dit au sujet de Price
Il est maintenant trop tard pour se plaindre de l'absence de Price ou pour exiger que Bergevin passe aux actes. Tous les directeurs généraux avaient beaucoup de temps libre pour discuter entre eux durant la longue pause du Match des étoiles. Bergevin n'en a pas trouvé un seul pour danser avec lui et on sait tous pourquoi. Malgré tout ce qu'on dit, le Canadien est déjà branché sur le respirateur artificiel. Ce n'est qu'une question de temps avant que le pire nous soit confirmé.
Quant à Price, le jeu de cache-cache se poursuit au sujet de sa blessure. J'ai la désagréable impression que la direction du Canadien a toujours su qu'avec ce type de blessure, il serait absent pour beaucoup plus longtemps qu'elle a tenté de nous le faire croire. Peut-être a-t-on voulu éviter que les joueurs encaissent un véritable coup de massue si on leur avait dit qu'il serait absent durant quatre mois, peut-être plus. Peut-être a-t-on voulu empêcher les amateurs de quitter trop tôt le navire. Peu importe l'objectif visé, les fans ont été plus tenaces que les joueurs eux-mêmes. Parce qu'ils les aiment. Ils les aiment beaucoup plus qu'ils sont aimés.
Rarement une blessure n'aura eu un effet aussi dévastateur sur une organisation. Au début de la saison, Serge Savard a déclaré avec raison qu'il ne fallait pas placer Price dans le même panier que Patrick Roy parce que Roy a gagné quatre coupes Stanley. Toutefois, pour le genre d'équipe que représente le Canadien, une formation fragile, pas très coriace et qui a tendance à s'écrouler dans l'adversité, je pense qu'on peut dire que Price est aujourd'hui plus important encore que Roy l'était à ses meilleurs jours au Forum de Montréal. Parce que Roy, lui, était déjà entouré de joueurs sur lesquels on pouvait se fier: Robinson, Chelios, Tremblay, Naslund, Carbonneau, Lemieux, Muller, Damphousse, etc.
Je reviens donc à ce que j'ai dit au début de ce propos. Il y a quelques mois à peine, tout allait bien. L'avenir était prometteur au point d'imaginer qu'une 25e coupe Stanley était possible à court ou à moyen terme.
C'est tellement plus facile d'alimenter le rêve quand ça va bien. « Nous possédons les éléments pour gagner et attendez de voir la relève qui pousse dans la filiale… », disait-on.
On peut nous raconter n'importe quoi quand l'équipe gagne à répétition. Il a fallu la perte dramatique du joueur numéro un de la formation pour qu'on réalise qu'en bas, pour reprendre un terme à la mode, la moisson est loin d'être aussi florissante qu'on l'affirme.
Ils sont dix joueurs à être venus de St.John's jusqu'ici. Aucun d'eux ne nous a gardés sur le bout de notre siège. Et il y a fort à parier qu'aucun d'eux ne sera là quand le Canadien gagnera la coupe, on ne sait trop quand.
En fait, Bergevin et Therrien n'y seront pas non plus si le Canadien met un autre 10 ans pour y arriver.
30 Minutes Chrono - pas d'émotion, pas d'âme, pas de victoire pour le CH