lundi 25 septembre 2017

LIBRE OPINION Faut-il mettre la hache dans la LNH?


25 septembre 2017 | Georges Schwartz - Ex-journaliste sportif | Hockey
Le Canada est le seul pays de hockey au monde à ne pas posséder sa propre ligue nationale.
Photo: Bruce Bennett Getty Images / Agence France-Presse

Le Canada est le seul pays de hockey au monde à ne pas posséder sa propre ligue nationale.

Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué — il y a des gens distraits —, la National Hockey League (NHL), tout comme les Major League Baseball, National Basketball Association et Major League Soccer, accorde l’immense faveur à quelques clubs professionnels canadiens d’avoir accès au mirifique marché sportif américain.

Pour ceux qui ne l’auraient pas non plus remarqué, la NHL est de facto une ligue américaine. Son commissaire, Gary Bettman, et Donald Fehr, directeur de la National Hockey League Players Association (NHLPA), sont américains. Le bureau de la ligue se trouve à New York et 24 des 31 clubs de la NHL sont établis aux États-Unis, ce qui donne à leurs propriétaires la majorité absolue quant aux décisions de la ligue.

Évidemment, par la magie de la traduction en français, la NHL devenue LNH, Ligue nationale de hockey, semble encore un peu appartenir aux Québécois. Son bureau a déjà été domicilié à Montréal et son président Clarence Campbell, dernier Canadien à cette fonction (1946-1977), avait reçu d’historiques tomates en 1955 au cours de l’émeute du Forum provoquée par la suspension de Maurice Richard.

En outre, puisque nous en sommes à l’Histoire avec un H majuscule, comment oublier que le premier match de hockey reconnu par la fédération internationale (IIHF) s’est joué le 3 mars 1875 au Victoria Skating Rink, situé alors entre les rues Drummond et Stanley à Montréal ? Et que 24 Coupes Stanley s’empoussièrent dans les armoires du Canadien de Montréal depuis 1993. Coïncidence ironique : c’est cette même année que Bettman a pris la NHL en mains, date à partir de laquelle les clubs canadiens ne font plus que de la figuration. En 2016, aucun, y compris notre symbole identitaire de Montréal, n’a pu participer aux séries éliminatoires.

Une majorité de Canadiens

Même si le lavage de cerveau quotidien assure que tous les Canadiens reconnaissent la suprématie de la NHL sur la planète hockey, Bettman tient, pour la forme, à leur offrir quelque menue satisfaction. Comme la prétendue Coupe du monde, jouée uniquement à Toronto par les seuls hockeyeurs de la NHL pour compenser l’absence aux prochains Jeux olympiques. Une maigre consolation pour ces braves Canadiens, à la fois champions olympiques (2010-2014) et du monde (2015-2016), titres bien sûr insignifiants comparés à la Coupe Stanley. Qu’ils se contentent donc de fournir sagement 50 % des joueurs ainsi que plus de 80 % des entraîneurs et des directeurs généraux de la NHL.

Oui, vous avez bien lu, sur et autour de la patinoire, soit au coeur de l’action du circuit Bettman, les Canadiens sont largement majoritaires. Ainsi, outre l’indispensable apport en personnel qualifié, le groupe des 7 clubs canadiens, selon le magazine américain Forbes, s’est avéré plus rentable en 2016 avec 225,6 millions US de profits, contre 215 millions pour les 23 clubs des États-Unis. En fait, si on en retirait tout le contenu canadien — y compris le trophée offert en 1899 par lord Stanley of Preston au club champion du Canada —, la NHL réduite à ses seules valeurs américaines devrait faire face à de sérieuses difficultés organisationnelles, économiques et humaines. Mais les dirigeants canadiens ou ne sont pas conscients de leur pouvoir collectif ou ne tiennent pas à l’exercer. Non seulement leur soumission va jusqu’à laisser des Américains décider si une ville canadienne pourra obtenir un club de la NHL, mais encore votent-ils sans regimber dans le « bon sens », comme lorsqu’il a fallu choisir Las Vegas contre Québec.

Ce qui ressemble étrangement à la définition de haute trahison donnée par les dictionnaires : entente avec une puissance étrangère, en vue de nuire à sa propre patrie.

Le Canada, pays fondateur et première puissance mondiale du hockey, a vendu son âme pour avoir accès au marché sportif américain. Il présente donc cette singularité d’être le seul pays de hockey au monde à ne pas posséder sa propre ligue nationale dans son sport de prédilection. Pourtant, une étude de l’Université de Toronto démontrait en avril 2011 que douze marchés canadiens pourraient entretenir un club de la NHL. Par ailleurs, les auteurs arrivaient aussi à la conclusion que 80 % des droits payés à la NHL par les chaînes de télévision canadiennes servaient à subventionner les clubs américains déficitaires !

Clarence Campbell était encore président de la NHL au moment des premières expansions. Dans leur empressement à conquérir le marché sportif américain, lui et les dirigeants canadiens du hockey n’ont aucunement pensé à protéger l’héritage historique dont ils étaient les dépositaires. [...]

En 1972, Campbell recevait le trophée Lester Patrick « For outstanding service to hockey in the United States ». Aussi, quand l’arrogant président Donald Trump rejette tous les accords de libre-échange engageant son pays, le moment est-il venu de mettre fin à celui du hockey professionnel nord-américain. Oui, mettons la hache dans la LNH !
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