La plus intéressante de toutes les activités dans le cadre du Match des étoiles, à Los Angeles, n’a pas été les manoeuvres spectaculaires des attaquants, les descentes à deux contre zéro contre les gardiens, le concours du tir le plus puissant remporté par Shea Weber, l’extrême vitesse avec laquelle Sidney Crosby a fait éclater quatre soucoupes disposées dans le filet ou encore la liste confirmée des 100 meilleurs joueurs dans l’histoire de la Ligue nationale. Tout cela n’était que de la dentelle destinée à amuser le public et des trucs de marketing visant à aller puiser des revenus additionnels dans les poches des commanditaires reliés à l’évènement.
L’élément majeur, à mon avis, a été la confirmation sans équivoque que le sport du hockey ne s’est jamais mieux porté. Plus que jamais la Ligue nationale appartient aux jeunes. Les vétérans y joueront toujours un rôle primordial, mais rarement s’est-on si peu inquiété de la qualité de la relève. Quelques surdoués, dont certains ont encore le nombril vert, ont démontré que les prochaines années seront probablement les plus excitantes qu’on aura vues. Ces jeunes, qui patinent à un train d’enfer, ont fait l’étalage de leur talent sous les yeux des légendes qui ont trimé dur pour bâtir la ligue qui contribue à les enrichir.
Connor McDavid, Patrick Laine, Auston Matthews, Johnny Gaudreau et Cam Atkinson, le remplaçant d’Evgeni Malkin qui aurait dû être de la sélection originale, nous en ont mis plein la vue. Et il y en a d’autres un peu partout dans la ligue : Draisaitl, Tarasenko, Panarin, Marner, Pastrnak, Scheifele, etc. 
Ryan Kesler et Connor McDavid
Ryan Kesler et Connor McDavid (Source: Getty)
Le premier de classe est évidemment McDavid, consacré le plus rapide du circuit en fin de semaine. Il vient à peine d’avoir 20 ans. Une sérieuse blessure l’a privé l’an dernier du trophée Calder attribué à la recrue de l’année. Il occupe actuellement le premier rang des marqueurs. Entre le Match des étoiles de l’an dernier et celui qui vient de se terminer, il a été le meilleur passeur du circuit devant des vedettes établies comme Joe Thornton et Erik Karlsson.
Durant la même période, Sidney Crosby a été le meilleur buteur. Il a remporté le titre des marqueurs l’an dernier avec 102 points. Inactif durant plusieurs semaines, McDavid a amassé 45 points en 48 matchs. En santé, il aurait donc été sur les talons de Crosby. Qu’est-ce que tout cela nous dit? Ça nous dit qu’il n’est pas du tout déplacé de mentionner les noms de Crosby et de McDavid dans la même phrase.
Dès qu’un jeune jouissant d’un talent vraiment supérieur se pointe dans la Ligue nationale, on a tendance à le considérer comme le prochain Gretzky. Ça s’est produit dans le cas de Crosby et on en dira bientôt autant de McDavid. Gretzky, le recordman du hockey, place déjà la vedette des Oilers dans une classe à part. Il ne s’est pas fait prier pour l’insérer parmi les prochains grands durant le dernier week-end.
McDavid est assurément celui qui m’a le plus impressionné durant cette rencontre d’étoiles, à cause de son âge, de sa rapidité, de la fluidité de ses feintes, de son talent de marqueur, de son humilité et du respect qu’il semble vouer à son sport. Vous me direz que ce sont tous des attributs qu’on reconnaît également chez le capitaine des Penguins, mais il faut tenir compte que le jeune chef de file des Oilers d’Edmonton, dont la maturité saute aux yeux, n’a que 20 ans. Ça fait beaucoup de qualités premières pour un jeune à peine sorti de l’adolescence.
Ce que vivent les Oilers est une indication de ce qui peut se produire quand une organisation termine le calendrier dans les bas-fonds du classement pendant des années. Tôt ou tard, un athlète hors du commun émergera de tous les choix de première ronde amassés dans cette période noire.
Les partisans des Oilers ont beaucoup souffert avant d’avoir le plaisir de bondir de leurs sièges à chacun des coups d’éclat de McDavid. Ils n’ont vu aucun match des séries éliminatoires depuis 10 ans, une situation déshonorante pour une organisation qui a déjà remporté cinq coupes Stanley en sept ans. Les Oilers, qui ont perdu en finale contre la Caroline en 2006, n’ont pas été revus en séries depuis.
Durant ces 10 années de famine, ils ont bouclé la saison au 25e rang ou pire à huit occasions. Trois fois, ils ont fermé les livres en 30e place. Durant cette période, ils ont parlé les premiers au repêchage quatre fois en sept ans. Malgré la sélection des centres Sam Gagner, Jordan Eberle, Ryan Nugent-Hopkins, Leon Draisatl et McDavid et des ailiers Taylor Hall, Nail Yakupov et Jesse Puljujarvi, c’est la première fois en 11 ans qu’ils peuvent logiquement aspirer à une place en séries. Toutefois, il a fallu l’arrivée d’un athlète vraiment spécial en McDavid pour que les choses changent. Pour mettre le grappin sur lui, il a fallu que les Oilers terminent la saison au 27e rang et qu’ils soient favorisés par le tirage au sort qui les a fait passer du troisième au premier rang. À Edmonton, on a maintenant l’assurance de pouvoir compter sur un joueur de concession qui gardera les amateurs sur le bout de leurs sièges durant les 15 prochaines années.
Même si le hockey est avant tout un sport collectif, McDavid aurait pu aider à bâtir une formation gagnante et potentiellement championne de la coupe Stanley à peu près n’importe où dans la ligue. S’il évoluait dans un chandail tricolore, par exemple, le Canadien pourrait déjà planifier son premier défilé dans les rues de la ville en 24 ans. Il aurait fait à ce point la différence.
Il faut se demander très sérieusement si le Canadien pourra revendiquer à nouveau le joueur numéro un de la ligue, ce que McDavid est appelé à devenir. Guy Lafleur a été le dernier Glorieux à jouir d’un tel statut à travers la ligue. Comme il est peu probable que l’organisation profite un jour de la toute première sélection au repêchage, il n’y aura probablement plus jamais de Lafleur dans cet uniforme.
Même si on accepte encore avec une certaine résignation l’interminable séquence sans coupe du Canadien, la plus longue de son histoire, jamais le public québécois n’aurait toléré que l’équipe traverse une décennie complète sans participer aux séries. Si cela s’était produit, on imagine assez facilement que les amateurs auraient perdu de l’intérêt pour leur équipe et qu’on aurait compté par milliers les bancs vides au Centre Bell.
Dix ans hors des séries, est-ce que ça vaut le coup pour posséder un McDavid? Même si ce jeune homme appartenant déjà à l’élite de son sport devenait réellement le prochain Gretzky, la réponse est non, évidemment.
Jamais à Montréal.